Santé humaine

1.1 Introduction

1.1.1 Objet

Le plan directeur décrit les problèmes et les enjeux scientifiques à examiner dans le sous-programme Santé humaine du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord (PLCN) pour que les populations du Nord puissent évaluer, comprendre et mieux gérer les risques sanitaires associés au transport à grande distance de contaminants dans le Nord canadien et à leur présence chez l’humain et dans les aliments régionaux et traditionnels. Cela va étroitement de pair avec les objectifs des organisations des Inuit et des Premières Nations qui partagent le même objectif : améliorer la santé et le mieux-être de leurs populations dans tout l’Arctique.

Les priorités s'harmonisent également avec l'objectif de réduire / éliminer les contaminants dans les aliments traditionnels, en soutenant les initiatives nationales et internationales de gestion des produits chimiques, les groupes de travail internationaux (ex.: Programme de surveillance et d'évaluation de l'Arctique) et en fournissant des informations critiques. Les POP et la Convention de Minamata sur le mercure.

Le plan directeur offre une occasion continue aux autorités sanitaires du Nord ainsi qu’aux gouvernements et organisations des Premières Nations, des Métis et des Inuit de diriger les projets dans leur propre région, ce qui permet aux populations de maîtriser plus directement et d'augmenter leurs propres moyens de recherche. Le plan directeur définit des priorités et des activités dans les domaines de la biosurveillance humaine, des effets sur la santé et de l’évaluation des avantages et des risques.

Le total des fonds disponibles pour les projets Santé humaine dans l’exercice 2019-2020 se chiffre à 1,050 million de dollars.

1.2 Contexte

De fortes concentrations de BPC, de pesticides organochlorés et de métaux, dont le mercure et le plomb, ont été mesurées dans les tissus et les liquides organiques d’habitants de certaines régions de l’Arctique. Des études épidémiologiques et toxicologiques menées au Canada et ailleurs ont révélé que ces contaminants sont toxiques pour l’être humain à des concentrations données.

L’évaluation la plus récente ayant porté sur les contaminants et la santé humaine dans l’Arctique canadien (elle a été publiée en 2009) a abouti à certaines conclusions clés et elle a cerné diverses lacunes dans les connaissances réunies grâce aux recherches financées par le PLCN et à d’autres appuyées par des entités extérieures.

Voici certaines grandes conclusions du rapport qui sont encore pertinentes aujourd'hui :

  • De nombreux contaminants mesurés dans les échantillons de sang des femmes inuites enceintes du Nunavik ont diminué au cours des 20 dernières années. Des études supplémentaires sont nécessaires pour déterminer les tendances des contaminants chez les femmes en âge de procréer et les femmes enceintes provenant d'autres régions inuites.
  • Des conseils diététiques spécifiques aux régions sont importants, et l'impact sur les charges corporelles des contaminants dû aux changements dans la consommation alimentaire traditionnelle sera spécifique aux contaminants (c'est-à-dire, en raison de facteurs tels que la demi-vie d'élimination).
  • La co-implantation d'études de biosurveillance sur les personnes et la faune est encouragée, afin de créer des liens directs entre l'exposition actuelle et les charges corporelles mesurées.
  • Il y a de plus en plus de preuves montrant interactions bénéfiques entre certains nutriments et contaminants. La concentration de contaminants et la composition en éléments nutritifs de nombreux aliments traditionnels doivent être déterminées (ou mises à jour), et d'autres études sur les effets bénéfiques potentiels des aliments facilement disponibles dans le Nord sont justifiées.
  • Les contaminants nouveaux et émergents tels que le SPFO et les PBDE sont maintenant présents dans le biote et les humains de l'Arctique. Davantage de données sur l'exposition et les effets potentiels sur la santé liés aux nouveaux contaminants sont nécessaires.
  • Le développement d'outils novateurs peut aider les autorités de santé publique à interpréter les résultats de la biosurveillance et à gérer le risque d'exposition.
  • De nouvelles méthodes devraient être développées et appliquées pour compléter les questionnaires de rappel alimentaire et de fréquence alimentaire afin de déterminer des taux fiables ou des types de consommation alimentaire traditionnelle au cours d'études de biosurveillance humaine.

1.3 Biosurveillance pour la santé humaine et l'exposition alimentaire aux contaminants

Des recherches antérieures du PLCN ont montré que la principale source d'exposition de nombreux POP et métaux provient de la consommation d'aliments traditionnels. Les études qui fournissent des renseignements sur les choix alimentaires, l'apport alimentaire et les concentrations de contaminants dans la nourriture traditionnelle / régionale sont extrêmement utiles et permettent de mieux comprendre comment le régime alimentaire influe sur les concentrations de contaminants chez les habitants du Nord. Les futures études sur le travail diététique et la biosurveillance devraient continuer à se concentrer sur un échantillon représentatif de régions fortement et modérément exposées et devraient inclure les contaminants existants et émergents potentiellement préoccupants lorsqu'il y a un potentiel d'exposition provenant des aliments traditionnels et régionaux.

L’évaluation des concentrations de contaminants dans les aliments régionaux et traditionnels et les enquêtes sur les choix et les habitudes alimentaires apporteront des renseignements importants pour l’évaluation des sources et des niveaux d’exposition par voie alimentaire. Ces éléments du programme de biosurveillance devraient être élaborés de façon que les prochaines évaluations soient réalisées en collaboration avec les chefs des projets chargés de la surveillance du biote dans le sous-programme Surveillance et recherche environnementales. Il s'agit d'une excellente occasion de collaboration entre les chefs de projets des sous-programmes Santé humaine et Surveillance et recherche environnementales dans le Nord, collaboration qui serait particulièrement avantageuse pour les autorités sanitaires et environnementales régionales et pour les gouvernements et organisations des Premières Nations, des Métis et des Inuit qui évaluent ces projets. Les autorités sanitaires du Nord pourraient notamment voir d’un bon œil que les études menées dans le cadre des sous-programmes Surveillance et recherche environnementales et Santé humaine le soient au même endroit.  En outre, les résultats obtenus grâce à cette collaboration permettront une évaluation plus approfondie des tendances spatiales et temporelles.

De plus amples informations sont également nécessaires sur l'impact potentiel du changement climatique et comment il peut influencer l'accès et la disponibilité des sources alimentaires traditionnelles, et les changements dans les niveaux de contaminants.

Afin de situer les concentrations de produits chimiques dans l’être humain dans un contexte d’évaluation des risques pour la santé, il faut des outils qui permettront d’évaluer les données de biosurveillance. Par exemple, il n’existe que quelques substances pour lesquelles des relations directes entre les concentrations susmentionnées et les effets sur la santé ont été établies. Dans le cas du plomb et du mercure, des lignes directrices sur les interventions ont été rédigées sur la foi d’études qui décrivaient un lien direct entre les concentrations sanguines et les effets sur la santé. Les équivalents de biosurveillance (EB) peuvent servir d’outils pour aider à interpréter les données de biosurveillance dans le contexte des risques pour la santé. On définit les équivalents de biosurveillance comme étant des estimations des concentrations de produits chimiques dans des échantillons de tissus humains, estimations qui correspondent aux valeurs-guides d’exposition existantes ayant été calculées au Canada et ailleurs. Les valeurs EB pour les dioxines, l’hexachlorobenzène, le cadmium et le DDT ont été publiées dans le passé. Les EB sont surtout censés servir de valeurs de dépistage applicables au niveau de la population et pouvant aider à cerner les biomarqueurs présents à des concentrations inférieures aux valeurs-guides susmentionnées, ou voisines d’elles ou supérieures à elles. L’exposition particulière des populations du Nord aux POP et aux métaux hérités du passé porte à croire que les EB peuvent servir d’outils utiles aux professionnels de la santé dans le Nord, quand ils dressent un ordre de priorité aux fins de la gestion des risques. On prendra aussi en considération d’autres outils d’interprétation des données de biosurveillance dans le Nord. 

Il faut concevoir les programmes de biosurveillance prospectifs de manière à faire fond sur les données de biosurveillance existantes et à prévoir de nouveaux prélèvements périodiques (tous les quatre à six ans environ) d’échantillons. En mettant l’accent sur la continuation des jeux de données existants d’une façon détaillée et répétée, on mettra sur pied un solide programme de biosurveillance pour créer des jeux de données comparables et favoriser une continuité planifiée, ce qui aboutira à des analyses plus significatives des tendances dans toutes les régions de l’Arctique canadien.

Les travaux menés dans le cadre du nouveau programme de bio-surveillance pour la santé humaine s’inscrivent dans deux grandes catégories : évaluations de l’exposition par voie alimentaire et bio-surveillance humaine.

1.3.1 Évaluations de l’exposition par voie alimentaire 

Le but des évaluations de l'exposition alimentaire est de fournir une estimation à jour de la quantité de contaminants consommés dans le régime alimentaire des habitants du Nord et d'obtenir des informations sur les habitudes alimentaires par le biais de rappels automatiques et de nouveaux questionnaires alimentaires. / méthodes innovantes. Ces estimations peuvent ensuite être comparées aux valeurs recommandées, c’est-à-dire aux doses journalières admissibles (DJA). Des évaluations de l’exposition par voie alimentaire ont été réalisées dans la plupart des régions de l’Arctique canadien à un moment ou à un autre au cours des dix dernières années; il est maintenant nécessaire d’actualiser les données dans de nombreuses régions. On pourra ainsi comparer les évaluations mises à jour aux évaluations précédentes et en tirer de précieux renseignements sur l’évolution des concentrations de contaminants dans les aliments traditionnels/régionaux, des habitudes alimentaires et, finalement, de l’exposition aux contaminants par voie alimentaire.

Les évaluations de l’exposition par voie alimentaire demandent de nouvelles enquêtes sur les choix et les habitudes alimentaires. Les données ainsi obtenues indiqueront à quels aliments régionaux et traditionnels il faut accorder le degré de priorité le plus élevé pour la surveillance des contaminants. Les enquêtes sur les choix alimentaires fourniront également des renseignements au sujet des facteurs qui jouent sur les choix des aliments et la perception des contaminants dans ces choix. Depuis 15 ans, les chercheurs du PLCN ont entrepris un certain nombre d’enquêtes sur les habitudes alimentaires au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut et au Nunavik qui ont éclairé l’interprétation des données de biosurveillance des contaminants chez les êtres humains et de surveillance des espèces sauvages, en plus de permettre de formuler de meilleurs conseils sur la gestion des risques à l’intention des résidants du Nord.

Parallèlement à ces enquêtes, on devrait également prélever des échantillons d’aliments traditionnels et régionaux afin d’y mesurer les concentrations de contaminants, y compris certains des nouveaux contaminants préoccupants qui sont énumérés aux listes A et B. La mesure des concentrations dans les aliments régionaux et traditionnels devrait se faire en collaboration avec les chefs de projet du sous-programme Surveillance et recherche environnementales, qui peuvent fournir les données déjà recueillies sur les concentrations et les tendances pour les principales espèces à la base du régime alimentaire et possèdent une expertise de l’analyse des nouveaux contaminants préoccupants.

Il est essentiel d’associer l’évaluation de l’exposition aux contaminants à l’évaluation de l’apport nutritif pour déterminer les risques et les avantages liés aux aliments.

Des évaluations de l’exposition par voie alimentaire, en particulier les enquêtes sur les choix et les habitudes alimentaires, devraient être menées en parallèle avec les études de biosurveillance humaine. Cela permettra de réaliser des comparaisons utiles entre l’évaluation de l’exposition par voie alimentaire et les concentrations de contaminants mesurées dans les tissus humains, et facilitera ainsi l’élaboration, de stratégies d’intervention efficaces sur le plan alimentaire.

Le PLCN a appuyé plusieurs études sur les contaminants présents dans le sang maternel (régions du Nunavik, de Baffin et d’Inuvik) et diverses phases de l’enquête sur la santé menée au Nunavik, au Nunatsiavut, au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest afin de déterminer les concentrations de contaminants dans les tissus humains et l’exposition aux contaminants par voie alimentaire. Les résultats seront également utilisés pour informer les organisations nationaux de réglementation, les programmes internationaux (p. ex. AMAP) et les accords (comme la Convention de Stockholm) traitant des contaminants ainsi que les futures études sur la biosurveillance alimentaire et humaine.

1.3.2 Biosurveillance humaine 

Les études de biosurveillance dans le cadre desquelles on a mesuré les concentrations de POP et de métaux dans le sang des mères au cours des deux dernières décennies portent à croire que les concentrations de certains POP et métaux ont fléchi dans l’Arctique canadien (T.N.-O., Nunavut et Nunavik) dans différents groupes, y compris les Inuit, les Dénés/Métis et les non-Autochtones vivant dans le Nord. Ces études ont montré où et comment l’exposition des humains aux contaminants changent; elles ont aussi permis d’évaluer l’efficacité des accords internationaux. La collecte parallèle de renseignements sur les choix alimentaires et sur la fréquence de la consommation de certains alimentes pendant les études de biosurveillance aidera aussi les chercheurs à faire davantage la lumière sur l’exposition aux contaminants dans des aliments prélevés dans la nature et à mieux comprendre la transition à une alimentation moderne dans le Nord.

 

Rôle des autorités sanitaires du Nord et des gouvernements/organisations des Premières Nations, Métis et des Inuit

Les études de biosurveillance humaine peuvent avoir lieu dans n’importe quelle région de l’Arctique canadien si les autorités sanitaires du Nord et les gouvernements et organisations des Premières Nations, des Métis et des InuitNote de bas de page 1 sont mis à contribution et souhaitent participer à ce travail.

Il importe que ces autorités sanitaires et ces gouvernements et organisations des Premières Nations, des Métis et des Inuit prennent part à l’élaboration de ces projets de biosurveillance humaine. Compte tenu du fait que leurs ressources limitées sont assujetties à de nombreuses demandes, les autorités sanitaires du Nord peuvent ajuster leur participation en fonction de leur capacité interne et de leur intérêt. Leur participation s’aligne sur le désir des habitants du Nord d'effectuer leurs propres recherches dans le Nord, et elle permet aux responsables des projets d’encourager plus facilement les collectivités à s’y impliquer. En amenant les autorités sanitaires du Nord à participer au volet relatif à la biosurveillance, on fera en sorte que toutes les questions importantes intéressant la santé, le régime alimentaire ou les contaminants soient réglées au profit des collectivités de la façon respectant le mieux le contexte sanitaire. En incluant les gouvernements des Premières Nations et des Inuits dans ces projets, on s’assurera que le contexte culturel des questions sera pris en considération avant la publication et la diffusion des résultats.

Le projet de biosurveillance humaine mené dans le cadre du PLCN a pour objectif d’examiner de la façon la plus complète possible chaque région du Nord afin de remédier aux lacunes dans le s données régionales et de cerner les tendances se manifestant au fil du temps, de manière à offrir une perspective continue sur l’évolution de la relation entre l’exposition aux contaminants et les effets de ceux-ci sur la santé humaine. En fin de compte, ces études, conjuguées aux résultats des études menées par le sous-programme Surveillance et recherche environnementales, aideront le PLCN à évaluer l’efficacité des accords internationaux tels que la Convention de Stockholm et la Convention de Minamata. En outre, les données issues de ces études de biosurveillance dans lesquelles on aura appliqué cette approche normalisée pourront être utilisées pour informer les autorités sanitaires locales sur l’état de santé général des populations du Nord, au chapitre des contaminants.

L’objectif global de la biosurveillance humaine faite dans le cadre du PLCN consiste à cerner les tendances se manifestant au fil du temps et à remédier aux lacunes régionales; toutefois, cela n’empêche pas le PLCN de modifier le programme pour se pencher sur la biosurveillance ciblée s’il le faut. Par exemple, un changement alimentaire rapide dans la consommation de gibier sauvage, ou une augmentation des concentrations de contaminants chez certaines espèces animales surveillées régulièrement à la faveur du sous-programme Surveillance et recherche environnementales seraient de bonnes raisons pour établir un programme de biosurveillance dans la région concernée.

Paramètres de financement

D’habitude, un projet de biosurveillance dure de trois à cinq ans et comporte les éléments clés suivants : la consultation et la mobilisation régionales; l’évaluation de la conception/faisabilité du projet; la mise en œuvre ou à exécution du projet; la communication des résultats aux collectivités. Il ne faut pas sous-estimer le travail que nécessite la planification; il convient d’habitude de prévoir au moins un an pour préparer une proposition exhaustive. Celle-ci doit énoncer les paramètres généraux du projet, y compris la stratégie de recrutement, la taille de l’échantillon et la fréquence d’échantillonnage (Santé CanadaNote de bas de page 2 a rédigé un énoncé de principes sur ces éléments), l’évaluation du régime alimentaire, la collecte de renseignements démographiques grâce à des questionnaires, les contaminants dont la concentration doit être mesurée, la capacité des laboratoires, l’analyse des données et la communication des résultats. La participation et la collaboration des autorités sanitaires du Nord et des gouvernements ou organisations des Premières Nations, des Métis et des Inuit garantira des communications régionales équilibrées et en assurera l’intégration dans les messages continus sur la santé.

Financement de démarrage

Pour que les études de biosurveillance puissent commencer dans les régions ne participant pas actuellement aux travaux de biosurveillance à long terme financés dans le cadre du PLCN, les parties intéressées peuvent s’adresser aux responsables de l’Appel de propositions pour demander un financement de démarrage qui leur permettra d’établir des partenariats avec des autorités sanitaires du Nord, des gouvernements ou des organisations des Premières Nations, des Métis et des Inuit, des scientifiques universitaires ou fédéraux et des organisations communautaires locales. Le financement de démarrage peut servir à payer les frais de déplacement, à faciliter les réunions dans les collectivités du Nord avec tous ces partenaires clés éventuels et à mener des travaux préparatoires sur la conception des recherches et l’élaboration d’enquêtes, ou à exécuter d’autres travaux préliminaires pertinents. Le financement de démarrage n’est pas énorme et il sera proportionnel à l’ampleur du travail de biosurveillance proposé. En outre, il ne sera fourni que pendant un an. Rien ne garantit aux requérants recevant des fonds de démarrage qu’ils bénéficieront d’un financement à long terme pour mener des projets de biosurveillance; ils devront donc présenter une proposition à l’égard de chaque année ultérieure pour laquelle ils demanderont un financement.

1.3.3 Populations à cibler pour la biosurveillance humaine

Le PLCN a identifié des populations cibles pour la biosurveillance humaine. Les premières études de biosurveillance axées sur les femmes enceintes afin d'obtenir des informations sur les impacts potentiels sur la santé de l'enfant à naître, des études récentes ont inclus les deux sexes et tous les groupes d'âge adulte afin d'obtenir une meilleure compréhension de l'exposition humaine dans l'Arctique canadien. Par conséquent, les populations prioritaires pour les études de biosurveillance dans le cadre du PLCN sont présentés comme suit par ordre d'importance:

  1. Les femmes et les femmes en âge de procréer enceintes.
  2. Les enfants
  3. Les adultes des deux sexes, et en particulier les adultes plus âgés qui consomment généralement plus d'aliments traditionnels

Les femmes enceintes et les femmes en âge de procréer auront la priorité, vu la sensibilité du fœtus à l’exposition aux contaminants. Les tendances relatives aux mères, qui ne sont pas élucidées au moyen de l’échantillonnage ou d’un modèle d’étude différent, peuvent être établies grâce à l’échantillonnage continu du sang des mères fait avec des protocoles antérieurs. Les enfants représentent la priorité suivante des études de biosurveillance, car on a constaté que leur sang contenait des concentrations relativement élevées de certains contaminants [p. ex. les éthers diphényliques polybromés (EDP)]. Les recherches de ce type feront valoir l'intérêt qu'ont les autorités sanitaires du Nord et les gouvernements et organisations des Premières Nations, des Métis et des Inuit à soutenir la cellule mère-enfant. La biosurveillance des adultes plus âgés des deux sexes est importante, car on a constaté en général que les concentrations de contaminants sont plus élevées chez eux que chez les enfants, les femmes enceintes ou les femmes en âge de procréer, surtout parce qu’ils ont toujours consommé et continuent de consommer une plus grande quantité d’aliments prélevés dans la nature.

1.3.4 Contaminants préoccupants

Dans le programme de biosurveillance de base, les produits chimiques d’intérêt ont été répartis par ordre de priorité en deux groupes : contaminants hérités du passé et nouveaux contaminants. Tout doit être mis en œuvre pour coordonner les produits chimiques d’intérêt pour la biosurveillance dans le sous-programme Santé humaine avec les contaminants visés par le sous-programme Surveillance et recherche environnementales.

En élargissant l’éventail des contaminants surveillés pour y inclure les produits chimiques étudiés au Canada dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques (PGPC), on appuierait les mesures de santé publique prises par les responsables des programmes territoriaux et fédéraux de gestion des risques au sujet des produits chimiques jugés nocifs pour les humains et leur environnement.

Première priorité: Contaminants « Annexe A »

Le programme de biosurveillance de base continuera de mesurer les contaminants « Annexe A » (contaminants hérités tels que les POP et métaux lourds, y compris mercure, plomb et cadmium) dans les tissus humains et les aliments régionaux pour assurer la comparabilité des résultats avec les ensembles de données antérieures, aux fins de l’évaluation des tendances et de la réalisation de l’engagement du Canada en matière de surveillance sous le régime d’accords internationaux. Les résidants du Nord continuent d’être exposés à des contaminants du passé par la consommation d’aliments régionaux. Consultez la liste de contaminants d’ « Annexe A» à continuer de surveiller. 

Spéciation complète des métaux est important pour interpréter le résultat des données de biosurveillance et l'évaluation du risque associé à ces expositions. Pour certains contaminants pauvres en données (par exemple, les dioxines) de nouvelles méthodes ont été développées. Ces progrès méthodologiques rendent plus facile l'analyse d'une série plus large de produits chimiques dans les études de biosurveillance.

Deuxième priorité: Contaminants « Annexe B »

La surveillance effectuée dans le cadre du PLCN porte aussi sur les contaminants « Annexe B » (les contaminants nouveaux et émergents) dont il faut déterminer la présence dans l’environnement arctique et les tissus humains, étant donné qu’ils sont persistants et biocumulatifs et peuvent être transportés sur de longues distances jusque dans l’Arctique. On s’attend à ce qu’un nombre de produits chimiques mesurés dans le cadre du PGPC répondent à ces critères et devraient donc être surveillés dans le cadre du PLCN.

La liste « Annexe B » contient de nouveaux contaminants qui relèvent du mandat du PLCN. Plusieurs nouveaux contaminants sont ou pourraient être réglementés en application de la Convention de Stockholm du PNUE ou du Protocole d’Aarhus sur les polluants organiques persistants (1998) de la CEE-ONU.

Autres contaminants et nutriments pertinents

Pour bien comprendre le profil d’exposition des populations du Nord, le programme de biosurveillance pourrait inclure des produits chimiques auxquels la population est exposée par l’intermédiaire des aliments achetés en magasin, de la préparation et de la préservation d’aliments traditionnels et régionaux, de l’eau potable et des produits de consommation. Toutefois, les candidats doivent trouver des sources de financement alternatives pour ces analyses.

Bien que le sélénium ne figure pas à l'annexe A comme produit chimique préoccupant, l'apport alimentaire de sélénium est pertinent pour la santé des populations nordiques et pour comprendre les interactions entre les contaminants et devrait donc continuer d'être mesuré dans le cadre de la recherche en santé financée par le PLCN. Les études de biosurveillance devraient viser d’autres contaminants et nutriments qui permettraient de comprendre les effets éventuels sur la santé de la consommation d’aliments traditionnels/prélevés dans la nature.

1.4 Recherches relatives aux effets sur les êtres humains

L’objectif des recherches relatives aux effets sur les êtres humains est de déterminer comment les contaminants interagissent avec les systèmes biologiques humains, et quels sont leurs effets sur ces systèmes, par des enquêtes fondées sur des déterminants mesurables de la santé. Les techniques d’enquête pourraient inclure des études épidémiologiques, des études toxicologiques en laboratoire et certaines études toxicogénomiques.

1.4.1    Priorités relative aux effets sur les êtres humains

Voici un aperçu des thèmes primordiaux des études menées sur les effets des contaminants sur la santé dans le cadre du PLCN :

  • Les effets sur la santé des enfants et des mères, y compris les complications pendant la grossesse, la perturbation endocrinienne, la durée de la grossesse et la croissance du fœtus;
  • Le développement physique, moteur, cognitif, comportemental et émotif depuis la petite enfance jusqu’à l’âge adulte en passant par l’enfance et l’adolescence;
  • Les recherches portant sur les interactions entre les nutriments et les contaminants (p. ex. le méthylmercure et le sélénium), en particulier dans les domaines du mode de vie, de l'état nutritionnel et des effets des contaminants sur la santé.
  • Le diabète, le syndrome métabolique et les maladies cardiovasculaires;
  • Les effets subcliniques observés sous la forme de dommages causés à l’ADN, de variations de l’activité enzymatique et d’autres changements mesurés chez les biomarqueurs humains étudiés;
  • D’autres maladies chroniques susceptibles d’être liées à des situations typiques de la tendre enfance ou à de multiples expositions (p. ex. les allergies et l’asthme);
  • Le fonctionnement du système immunitaire, en particulier le dérèglement léger de ce système aboutissant à un accroissement des risques d’infection.

Dans les études concernant les effets sur la santé, il faut prendre en compte l’exposition simultanée à un mélange de produits chimiques et les facteurs susceptibles de moduler la vulnérabilité des personnes exposées. Il convient d’accorder une attention spéciale aux caractéristiques du régime alimentaire des groupes des Premières Nations et des Inuit quand existent des preuves de l’utilité de stratégies de protection éventuelles, par exemple l’absorption de micronutriments particuliers (sélénium, acides gras polyinsaturés, vitamines et antioxydants, etc.) Par exemple, il convient d’étudier les interactions entre le méthylmercure et le sélénium et de se demander si les effets sur la santé résultent de concentrations élevées de contaminants (p. ex. la sélénose due à de fortes concentrations de sélénium).

Il est attendu que les résultats des études récentes (p. ex. l’Enquête de santé auprès des Inuit et l’Étude sur une cohorte d’enfants du Nunavik seront utilisés pour guider la recherche sur voies d’exposition et les effets sur les êtres humains dans le futur. Les sections suivantes offrent des détails au sujet des priorités relatives à la recherche sur les voies d’exposition et les effets sur les êtres humains dans le cadre du PLCN.

1.4.2     Voies d’exposition 

Biomarqueurs

Les biomarqueurs peuvent constituer un système de détection précoce des problèmes de santé risquant de se manifester ultérieurement, ou permettre de trouver des solutions à des problèmes d’ordre épidémiologique qui ne peuvent être examinés directement à cause d’un faible échantillonnage. Cela dit, la recherche axée sur l’établissement de biomarqueurs dépasse la portée du PLCN. Pour que des travaux sur les biomarqueurs reçoivent des fonds du PLCN, ils doivent faire partie d’une étude épidémiologique (ou toxicologique), et il faut prouver qu’ils comblent une lacune dans les travaux du PLCN. Les promoteurs de ce genre de projets doivent fournir des arguments solides et convaincants quant à la pertinence des études sur les biomarqueurs dans le contexte des populations de l'Arctique.  Pour que le financement d’un projet soit envisagé, on doit démontrer l’existence de liens entre les biomarqueurs choisis et les effets cliniques sur la santé, ou avec les états de santé touchant ou risquant de toucher les populations de l’Arctique. De même, il faut établir un lien solide entre les effets en question sur la santé et les contaminants.

Génomique humaine

La génomique humaine a beaucoup retenu l’attention ces dernières années et représente un domaine de recherche prometteur en ce qui a trait aux effets des contaminants. L’établissement des mécanismes moléculaires qui régissent les effets des contaminants observés chez les habitants de l’Arctique pourrait éventuellement constituer une approche utile pour préciser le mode d’action des contaminants sur l’organisme humain. La génomique permet de déterminer les mécanismes moléculaires liés à certains effets des contaminants sur la santé à un stade très précoce et de révéler les nouveaux biomarqueurs de la toxicité. Toute étude génomique financée par le PLCN devrait mettre en évidence des résultats appliqués pertinents dans le contexte humain de l’Arctique et elle devra être explicitement liée aux biomarqueurs connus de la toxicité des contaminants et/ou élucider les mécanismes d’action des contaminants hautement prioritaires dans le Nord. Les auteurs des projets proposés doivent se servir de méthodes de génomique existantes bien validées. Ils doivent aussi veiller à obtenir un consentement pertinent et éclairé bien précis ainsi que les approbations exigées par l’éthique à l’égard de l’utilisation d’échantillons pour l’analyse génomique. Il leur incombe également d’obtenir l’approbation des Premières Nations, des Inuit ou des personnes concernées.

1.4.3     Effets sur la santé et pertinence pour les populations de l’Arctique 

Des études effectuées chez des populations du Sud et des personnes exposées aux contaminants dans leur milieu de travail, ainsi que des travaux menés en laboratoire sur des animaux, ont établi un lien entre les effets sur la reproduction/le développement et les contaminants. Les études cliniques et épidémiologiques n’ont pas mis en évidence de problèmes de reproduction chez les populations du Nord canadien; les taux de fécondité des Autochtones du Nord sont parmi les plus élevés au Canada. Néanmoins, les études sur le système reproducteur seront prises en considération par le PLCN si on parvient à démontrer clairement que les liens entre les contaminants et les effets observés sur le système reproducteur sont, ou deviendront, une préoccupation dans le Nord.

La population est exposée à des mélanges de contaminants plutôt qu’à des produits chimiques isolés. Au cours des dernières années, les études toxicologiques du PLCN ont porté sur les effets de contaminants donnés sur la santé, et aussi sur les effets de mélanges qui représentent le profil d’exposition des habitants des régions nordiques fortement touchées. En plus de mettre en évidence les interactions entre les contaminants, les résultats préliminaires montrent que les effets des mélanges ne correspondent pas nécessairement à ceux auxquels on aurait pu s’attendre d’après les études sur l’incidence de produits chimiques isolés.

La recherche épidémiologique réalisée dans l’Arctique révèle que les éléments nutritifs présents dans des aliments régionaux et traditionnels marins peuvent offrir une protection partielle contre les effets sur la santé des contaminants qui se trouvent dans les mêmes aliments. Des effets potentiellement interactifs peuvent aussi intervenir entre les contaminants et des facteurs liés au mode de vie, par exemple le tabagisme pendant la grossesse, qui est courant dans les communautés nordiques. Ainsi, un ensemble d’autres contaminants chimiques peut contribuer aux effets d’une exposition prénatale à un mélange de contaminants dans l’Arctique (ou favoriser de tels effets).

Pour être financées par le PLCN, les études sur les effets doivent être pertinentes dans le contexte humain de l’Arctique. Le PLCN tient donc compte d’un certain nombre de facteurs. Les chercheurs sont tenus de justifier brièvement mais solidement leurs choix en ce qui concerne chacun des points qui suivent, et en particulier leur pertinence dans le contexte humain de l’Arctique :

  • Les mélanges de contaminants et d'aliments nutritifs étudiés devraient caractériser ceux observés dans les aliments régionaux et traditionnels ou dans le sang de la mère et du cordon ombilical (humain), s’il y a lieu.
  • Les études sur les mélanges de contaminants sont prioritaires, mais des études portant sur les effets de contaminants isolés seront prises en considération si elles sont bien justifiées.
  • Si les études sur les niveaux d’exposition spécifiques, y compris aux aliments nutritifs, se déroulent sur des animaux en laboratoire ou in vitro, elles devraient refléter les différents niveaux d’exposition actuels (p. ex. la distribution de la fréquence d’exposition) des résidants de l’Arctique.
  • Les concentrations résiduelles de contaminants dans les tissus des animaux de laboratoire devraient être mesurées en vue de déterminer si elles sont conformes à celles relevées chez les populations humaines exposées de l’Arctique.
  • Les résultats des études doivent pouvoir être interprétés dans un contexte humain (notamment les résultats pertinents sur le plan neurocomportemental et sensoriel).

1.5 Évaluation des avantages et des risques

La capacité de déterminer et de comparer les risques et les avantages est une composante fondamentale du PLCN et constitue actuellement une priorité du sous-programme Santé humaine. Les méthodes normalisées servant à évaluer les risques potentiels des divers contaminants pour la santé humaine sont en général relativement bien connues et utilisées depuis de nombreuses années. Toutefois, leur application à des populations dont le régime alimentaire se compose essentiellement d’aliments régionaux et traditionnels peut poser problème, puisque ces méthodes tiennent peu compte des avantages et qu’il n’existe pas de paramètre commun pour comparer divers scénarios risques-avantages. Par exemple, un rapport indiquant que certains consommateurs d’aliments régionaux et traditionnels s’exposent à des concentrations d’un contaminant en particulier qui sont supérieures à la DJA ne devrait être pris en considération qu’au stade préliminaire d’une évaluation des risques généraux, étant donné qu’il ne tient pas compte des nombreux avantages pour la santé qui peuvent être associés à la consommation de tels aliments.

L’élaboration de méthodes permettant d’évaluer les avantages des aliments régionaux et traditionnels constitue un secteur de recherche relativement nouveau, et certains avantages ne sont décrits qu’en termes subjectifs. Ces avantages sont d’ordre nutritionnel, physique, social, spirituel et économique, et concernent le bien-être général de la personne, tandis que les risques concernent les questions plus étroites de la toxicité et des éventuels effets sur la santé. Il est donc très difficile de mettre en regard les avantages et les risques; il faudra faire encore beaucoup de recherches à ce sujet.

Lorsqu’on élabore des stratégies de gestion afin d’équilibrer les avantages des aliments régionaux et traditionnels et les risques que présentent les contaminants qu’ils contiennent, il est également essentiel d’examiner les avantages et les risques que présentent leurs substituts, comme les aliments typiques (et abordables) achetés en magasin. Comme ces substituts présentent des risques et des avantages fort différents des aliments régionaux et traditionnels, et que nombre des avantages de ces derniers seraient perdus à jamais en passant au régime de substitution, il faut accorder toute l’attention requise tant aux techniques permettant d’équilibrer les avantages et les risques de l’alimentation traditionnelle qu’à l’établissement de stratégies de gestion visant l’ensemble du régime alimentaire. De plus, une meilleure connaissance de la perception du risque au niveau local et de la façon dont les gens font leurs choix alimentaires est nécessaire pour déterminer un moyen efficace de réduire les obstacles à la compréhension des messages. Les études comprenant des activités de communication des risques avec les communautés touchées devraient inclure un travail de suivi évaluant l'efficacité de ces activités de communication des risques. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer les meilleures pratiques en matière de communication des risques (comme l'utilisation des médias sociaux) et leur efficacité dans un contexte arctique.

Les communautés de l’Arctique sont menacées par diverses sources, dont les contaminants. Il est important pour ces communautés que les risques et les avantages associés à l’exposition aux contaminants présents dans les aliments traditionnels soient présentés dans un contexte pertinent pour une communauté donnée. Les questions entourant la sécurité alimentaire et la malnutrition soulèvent des préoccupations croissantes dans les communautés de l’Arctique et elles pourraient avoir des incidences profondes sur la santé, en particulier en début de vie. Les communautés ont également besoin de plus d’information pour comprendre l’incidence des contaminants en conjonction avec des facteurs liés au mode de vie, tels que le tabagisme, la consommation d’alcool et d’autres substances. Il est bien connu que ces autres facteurs liés au mode de vie posent des risques considérables pour le développement du fœtus, par exemple.

Les projets portant sur l’évaluation des risques et des avantages doivent viser avant tout les communautés jugées, en consultation avec les autorités de santé publique, comme étant les plus à risque, soit les communautés soumises à une exposition élevée et modérée aux contaminants et dépendant d’un régime alimentaire à base de mammifères marins. Comme les fœtus, les nourrissons et les enfants sont souvent les plus vulnérables, il faudrait axer l’évaluation et la communication des avantages et des risques sur ceux-ci. Ce travail peut exiger des communications spéciales avec les femmes enceintes et les femmes en âge de procréer.

1.5.1     Priorités relatives à l’évaluation des avantages et des risques

Les priorités du PLCN relatives à l’évaluation des avantages et des risques en matière de recherche sur la santé humaine sont les suivantes :

  • Mieux comprendre ce qui guide les choix alimentaires des habitants des régions nordiques et déterminer dans quelle mesure les contaminants entrent en ligne de compte dans ces choix, en s’attardant particulièrement aux mères, aux femmes enceintes et aux autres femmes en âge de procréer.
  • Évaluer les programmes de substituts alimentaires et autres programmes de gestion qui visent à réduire l’exposition aux contaminants dans les régions à risque élevé tout en encourageant la consommation d’aliments régionaux et traditionnels fortement valorisés et d’autres aliments.
  • Évaluer et comparer les avantages et les risques dans la perspective des communautés les plus fortement exposées et les groupes vulnérables, soit les fœtus, les nourrissons et les jeunes enfants.