Mémoire au CRTC, consultation 2015-97 : code sur la vente en gros

Le 4 mai 2015

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Introduction

  1. Le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») est heureux de soumettre cette présentation en réponse à l’appel aux observations, lancé par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le « CRTC »), concernant un code sur la vente en gros régissant les ententes commerciales entre les entreprises de distribution de radiodiffusion (les « EDR »), les entreprises de programmation et les entreprises de médias numériques exemptées (le « Code sur la vente en gros »).
  2. Le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») appuie la mise en œuvre du Code sur la vente en gros. Le commissaire est d’avis que le cadre évoqué dans le Code sur la vente en gros garantira que les EDR seront en mesure d’offrir aux consommateurs un plus grand choix dans un contexte de « paiement à la carte » à des prix raisonnables, tout en partageant avec les entreprises de programmation les risques de cette transition.
  3. L’article 125 de la Loi sur la concurrence accorde au commissaire le pouvoir, entre autres, de présenter des observations aux commissions fédérales dans le domaine de la concurrence. Le commissaire soumet la présente en vertu de l’article 125 de la Loi sur la concurrence.
  4. Cette présentation se concentre sur la question des cartes de tarification liées à la pénétration (les « CTLP ») dont il est question au paragraphe 25 de l’Avis de consultation de radiodiffusion CRTC 2015‑97 (l’« Avis de consultation »).

L'incidence des CTLP sur le marché de la radiodiffusion

  1. Les CTLP sont des grilles tarifaires sur la vente en gros qui déterminent les prix de gros payés par une EDR à une entreprise de programmation pour un certain niveau de pénétration des abonnés à un service de programmationNote de bas de page 1. Les CTLP prévoient des rabais pour les EDR qui obtiennent des niveaux plus élevés de pénétration des abonnés. Cependant, à mesure que les niveaux de pénétration baissent, les tarifs de gros augmentent selon un coût par abonné. Le rabais accordé en cas de pénétration élevée ou de près de 100 % peut être très avantageux. Les CTLP sont utilisées par les entreprises de programmation afin de garantir leurs revenus. Elles sont souvent conçues de façon à assurer un certain niveau de revenus générés par un service de programmation, peu importe son taux de pénétrationNote de bas de page 2.
  2. Compte tenu de l’augmentation rapide des tarifs dans les CTLP, il peut être plus rentable pour les EDR de regrouper de nombreux services de programmation en forfait ou d’offrir plus de services dans leur forfait de base. En regroupant ainsi de nombreux services de programmation, tous les services regroupés profitent d’un niveau de pénétration plus élevé (puisque certains consommateurs choisiront le forfait afin d’avoir la chaîne « A », alors que d’autres le choisiront pour la chaîne « B », mais les deux groupes achètent le forfait au complet). En augmentant le niveau de pénétration, les prix de gros de tous les services du forfait assujettis à des CTLP s’en trouvent ainsi réduits.
  3. Si une EDR s’attend à ce que les services de programmation compris dans un forfait perdent des abonnés s’ils ne sont plus regroupés en forfait, l’EDR hésitera à proposer cette option. Il en résulte que les consommateurs doivent souvent payer pour des services qu’ils ne veulent pas, parce que ceux‑ci sont regroupés en vastes « volets » ou « ensembles thématiques ».
  4. En contrepartie, les CTLP peuvent favoriser la création de nouveaux services de programmation. Les nouveaux services de programmation exigent souvent d’importants capitaux avant d’être lancés (pour la création ou l’acquisition de contenus, par exemple). Le fait d’inciter les EDR à regrouper les services de programmation en forfait (au moyen des CTLP) peut garantir le financement requis pour lancer de nouveaux services de programmation novateurs.
  5. Néanmoins, le manque de choix et, implicitement, les vastes forfaits et regroupements par niveaux créés par les EDR en réaction aux CTLP, sont des facteurs importants pour expliquer pourquoi le CRTC a décidé d’examiner la façon dont les EDR regroupent et distribuent les services de programmation, comme l’explique la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015‑96. Ces incitatifs visant à limiter les choix des consommateurs sont exacerbés par la présence d’EDR verticalement intégrées possédant un large éventail de services de programmation dits « essentiels »Note de bas de page 3, ce que nous aborderons plus en profondeur ci‑dessous.

Intégration verticale et services de programmation « essentiels »

  1. Les EDR qui offrent plus de choix aux consommateurs risquent de souffrir de taux de pénétration moins élevés dans l’ensemble des services, ce qui entraînera une augmentation des prix de gros; elles pourraient alors être tentées d’augmenter les prix de détail pour demeurer rentables. Elles sont donc motivées à regrouper les services de programmation en forfait afin d’accroître les niveaux de pénétration de tous les services inclus dans le forfait. Autrement dit, elles n’ont pas intérêt à offrir plus de choix. Ce constat a moins d’influence sur les EDR qui peuvent internaliser les prix de gros plus élevés et favoriser la pénétration par des prix plus basNote de bas de page 4.
  2. Les EDR verticalement intégrées peuvent avoir été incitées à adopter les CTLP pour deux raisons. D’abord, pour garantir des revenus constants et se protéger contre le risque de perdre des abonnés. Ensuite, pour accroître les coûts pour les EDR rivales et réduire leur motivation à présenter plus de choix. Ce dernier incitatif est plus fort pour une EDR verticalement intégrée qui exploite des services de programmation dits « essentiels ». Dans le contexte d’une plus grande diversité de choix, les EDR qui doivent fonctionner avec des CTLP, notamment pour les services de programmation dits « essentiels », peuvent être incitées à persuader les consommateurs d’opter pour des forfaits ou des volets (plutôt que pour des chaînes « à la carte ») en ajustant les prix de détail.
  3. Si les EDR verticalement intégrées parviennent à faire augmenter les coûts pour les EDR rivales, la concurrence non liée au prix sera moins forte dans les marchés au détail, ce qui pourrait aussi les rendre moins enclines à offrir plus de choix. Si elles décident d’offrir plus de choix, elles pourraient le faire dans le but de « dérober » des consommateurs au détail chez leurs rivales qui ne peuvent réagir en raison de l’impact des CTLP dans un régime « à la carte » obligatoire. Dans un cas comme dans l’autre, les consommateurs au détail ne profitent pas pleinement des avantages d’un plus grand choix.
  4. Pour veiller à ce que les EDR soient en mesure d’offrir de vrais choix aux consommateurs et qu’elles soient motivées à le faire, ainsi que pour offrir un système efficace de concurrence aux EDR verticalement intégrées en ce qui a trait aux prix et aux facteurs non liés aux prix (comme ce qui est inclus dans leurs « petits forfaits » ou si elles offrent la possibilité de « créer son propre forfait »), les CTLP devraient être établies de manière à ne pas inciter à limiter les choix.

Facteurs qui devraient être pris en considération par le CRTC

  1. En réponse à la question du paragraphe 25 de l’Avis de consultationNote de bas de page 5, le commissaire invite le CRTC à prendre les cinq facteurs suivants en considération au moment de déterminer le caractère raisonnable d’une CTLP :
    • Si la CTLP permet aux EDR et aux entreprises de programmation de partager les risques potentiels et les coûts associés à des niveaux de pénétration moins élevés des services de programmation dans un contexte d’un plus large éventail de choix;
    • Si la CTLP s’applique à un service de programmation indépendant ou à un service exploité par une EDR verticalement intégrée;
    • Si la CTLP appliquée à un service de programmation exploité par une EDR verticalement intégrée entraîne une augmentation plus élevée des coûts chez les EDR rivales que chez l’EDR verticalement intégrée;
    • Si la CTLP s’applique à un service de programmation considéré comme « essentiel »;
    • Si la CTLP s’applique à un service de programmation récemment autorisé et, le cas échéant, quelle est la durée de cette CTLP.
  2. Cette liste n’est pas exhaustive mais, si la prise en considération de ces facteurs suggère que la CTLP incitera probablement une EDR à limiter les choix pour les consommateurs, alors la CTLP devrait être considérée comme déraisonnable.

Conclusion

  1. Le Bureau est heureux de répondre à cet appel d’observations lancé par le CRTC concernant ce sujet important. Le Bureau appuie les efforts du CRTC en vue d’offrir plus de choix aux consommateurs. Le Code sur la vente en gros est un document important qui permettra aux Canadiens de profiter des avantages d’une concurrence, d’une innovation et de choix accrus dans le secteur de la radiodiffusion.
  2. Aux fins de la présente procédure, le représentant désigné du commissaire est :
Rambod Behboodi
Sous‑commissaire, Direction générale de la promotion de la concurrence
Bureau de la concurrence
50, rue Victoria, 21e étage
Gatineau (Québec)  K1A 0C9
Rambod.Behboodi@canada.ca