Analyse socio-économique des communautés de langue officielle à partir des données du recensement de 2001 à l’échelle des aires de diffusion (AD)

Contents


Introduction

Ce rapport des conclusions nationales a comme objectif de synthétiser et de regrouper les différences issues des variables étudiées entre les communautés linguistiques majoritaires et minoritaires des cinq régions du Canada identifiées par Industrie Canada, soit l’Atlantique, le Québec, l’Ontario, les Prairies et le Nord, et le Pacifique et Yulon. Les lecteurs qui voudront approfondir le portrait d’une région en particulier pourront se référer aux rapports régionaux plus exhaustifs et détaillés. Chacun des rapports régionaux comporte ses propres analyses exhaustives et mène à des recommandations spécifiques à chaque région. Ce rapport national est avant tout une comparaison entre les régions afin d’établir le portrait plus global des similarités et des différences relatives au statut socio-économique des minorités linguistiques au Canada.

La dualité linguistique et le développement des minorités de langue officielle demeurent au cœur de l’identité collective du Canada. Cette identité est incarnée par la présence sur le territoire de communautés linguistiques et culturelles minoritaires, parfois bien établies depuis de nombreuses générations, alors que dans d’autres cas, la présence de la minorité est plus difficilement cernable, comme c’est le cas de ceux qui habitent à l’intérieur des agglomérations urbaines. Notre représentation de la situation socio-économique de la « minorité » découle souvent de postulats ou d’enquêtes morcelés qui examinent des variables de façon isolées. D’autres champs de recherches bénéficient d’un bagage de connaissances plus étoffé et de nombreux progrès ont été fait dans des domaines de recherches liés à l’éducation, la langue et l’identité culturelle des minorités au Canada. Cependant, plusieurs lacunes restent quant à nos connaissances de la situation socio-économiques des minorités linguistiques et c’est le point de départ de ces travaux de recherches.

En tant que ministère à vocation économique, Industrie Canada cherche à exercer un leadership dans les efforts du gouvernement du Canada à contribuer au développement économique des communautés minoritaires de langue officielle. Industrie Canada tient compte dans sa planification stratégique et dans l’élaboration de ses politiques et programmes des besoins spécifiques des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Les réactions favorables à de nombreuses initiatives entreprises par le ministère de la part des partenaires régionaux et des communautés desservies confirment que le ministère est dans la bonne voie.

L’une des réalisations importantes de la dernière année est la production d’un DVD contenant des cartes géographiques interactives indiquant l’emplacement des communautés de langue officielle en situation minoritaire partout au pays. Cet outil permettra de tracer un portrait statistique plus complet de ces communautés afin d’aider le ministère à orienter ses prochaines initiatives. Pour agir avec efficacité, et s’engager dans la mise en oeuvre de l’article 41 de la Loi sur les langues officielles, Industrie Canada a voulu poursuivre la production de connaissances à l’égard des communautés linguistiques vivant en situation minoritaire en précisant davantage le statut socio-économique illustré par ce DVD en effectuant une comparaison entre les communautés linguistiques majoritaires et minoritaires.

Mandat

L’Institut canadien de recherche en politiques et administration publiques (ci-après l’Institut) a reçu le mandat d’Industrie Canada d’analyser les données du recensement de 2001 de Statistique Canada qui portent sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire du Canada. L’objectif principal de cette analyse était de déterminer s’il y avait des différences entre la situation socio-économique des communautés minoritaires de langue officielle (CMLO) et celle des communautés linguistiques majoritaires qu’elles côtoient. Industrie Canada a voulu préciser encore davantage les efforts de recherche qu’elle avait effectué au moment d’élaborer les paramètres du premier plan d’action du gouvernement du Canada à l’égard des langues officielles en 2004. Les résultats de la recherche doivent donc alimenter la réflexion du ministère dans son positionnement dans l’éventualité où le gouvernement du Canada chercherait à élaborer un nouveau plan d’action à l’égard des communautés minoritaires de langue officielle.

Afin d’approfondir les démarches que le ministère avait entreprises en 2004, au moment d’établir le premier plan d’action du gouvernement canadien, Industrie Canada a voulu cette fois vérifier à partir de l’unité la plus petite du recensement, soit l’aire de diffusion (AD), la présence ou l’absence de différences significatives entre les francophones et les anglophones à l’égard de certaines variables issues du recensement de 2001. Motivée par la volonté de poser un regard plus détaillé que celui porté par Industrie Canada à une plus grande échelle (SDR, ou subdivision de recensement) en 2004, l’équipe de recherche a postulé comme hypothèse de départ que des différences seraient certainement reconnaissables à l’échelle plus petite des AD. Nous avons donc effectué, à partir des banques de données fournies par Industrie Canada, des analyses statistiques dont nous vous présentons le fruit dans les prochaines pages.


Les données

Les informations et les données sur le profil socio-économique des CMLO qui ont été utilisées pour cette recherche sont tirées du recensement de 2001 de Statistique Canada. Pour analyser le profil et la vitalité économiques des CMLO par rapport à la population majoritaire, nous avons extrait les données de Statistique Canada sur les francophones et les anglophones au sein des CMLO de même que dans la population totale concernant les thèmes suivants :

  1. Âge
  2. Chômage
  3. Citoyenneté
  4. Éducation et principaux domaines d'étude
  5. Emplois et industries
  6. État matrimonial
  7. Revenu moyen
  8. Immigration et mobilité
  9. Langu
  10. Lieu de naissance
  11. Lieux de résidence et de travail (navettage)
  12. Origine ethnique
  13. Professions
  14. Religions
  15. Répartition du revenu
  16. Travail indépendant
  17. Travail non rémunéré

Étant donné que certains des thèmes ci-dessus ne font pas partie des champs d’intervention de l’État canadien, ou ne sont pas considérés comme ayant un impact direct sur le développement socio-économique, ceux-ci n’ont pas été retenus dans le cadre de cette recherche : état matrimonial, langue, lieu de naissance, origine ethnique, religions et travail non rémunéré. Les données statistiques afférentes aux thèmes énumérés ci-dessus, hormis ceux qui n’ont pas été retenus, ont été étudiées pour la population minoritaire selon la première langue officielle parlée, c’est-à-dire la langue officielle actuellement parlée qui, dans la plupart des cas, a été apprise en premier lieu par le recensé. Pour les fins de représentativité statistique, l’analyse des variables socio-économiques de la population de langue officielle minoritaire a été réalisée également selon la langue maternelle. La comparaison des résultats statistiques obtenus selon la première langue parlée et la langue maternelle ne montrait pas de différences substantielles. En d’autres mots, le profil socio-économique de la population minoritaire selon la perspective de la première langue parlée et celle de la langue maternelle ne diffère pas assez pour changer les conclusions de la recherche. Afin d’éviter la redondance dans nos analyses, nous ne présenterons que celles qui ont été réalisées selon la première langue parlée.

Méthodologie

Pour analyser le profil socio-économique des CMLO, et dans le but de mettre en lumière les différences qui se dessinent entre ces communautés francophones et les communautés anglophones majoritaires, il est important de préciser trois choses quant à la méthode de travail. La première est l’échelle d’analyse. L’objectif de cette présente recherche a été d’analyser les CMLO à l’échelle des aires de diffusion (AD), qui constituent la plus petite échelle d’analyse spatiale employée par Statistique Canada. Cette échelle d’analyse a permis d’aller chercher la plus grande précision ou le plus de détails possibles au chapitre de la vitalité économique des CMLO. Les AD qui ont été sélectionnées pour constituer les CMLO étudiées ici sont celles dont la population est composée d’au moins 5 % de la minorité de langue officielle. Les AD qui répondent à ce critère ont été amalgamées de façon à former les AD CMLO qui feront l’objet de notre étude.

Soulignons qu’avec le critère du 5% pour identifier nos AD CMLO, il s’est avéré que plusieurs AD des régions n’ont pas été retenues dans la création des CMLO étudiées, puisqu’elles représentaient moins de 5% de population minoritaire. Cependant, en chiffre absolu, ces AD qui ne respectaient pas le critère du 5% pouvaient toutefois représenter plusieurs centaines de personnes. Cette limite méthodologique fait en sorte que nos résultats peuvent ne pas refléter avec exactitude l’ensemble de la population minoritaire dans les CMLO. Néanmoins, au total, près de 90% de toutes les minorités linguistiques à l’échelle du pays habitent les AD respectant notre critère du 5%. Par conséquent, notre échantillon est très fiable et représentatif.

Une seconde limite quant à la source de données vient du fait que les variables pour lesquelles nous avons colligé des données du recensement de 2001 de Statistique Canada sont issues du formulaire « long » du recensement. Celui-ci a été distribué à un échantillon qui correspond à 20% de la population canadienne totale. Par définition, un recensement concerne toute la population, alors qu’un échantillon ne représente qu’une partie de cette population. Par conséquent, même si les conclusions qui ressortent de cet échantillon sont généralisables à l’ensemble de la population, puisque l’échantillon est représentatif, cette généralisation peut parfois entraîner quelques distorsions entre la réalité exprimée par nos analyses statistiques et celle que l’on retrouve dans l’ensemble du pays. Quoi qu’il en soit, le fait que plus de 90% de toutes les minorités habitent dans les AD CMLO étudiées réduit considérablement la marge d’erreur.

Le troisième aspect qu’il faut préciser quant à la méthode de travail concerne les types d’analyses que nous avons faites pour traiter nos données statistiques afin de comparer les francophones des AD étudiées avec les anglophones au sein de ces mêmes AD, mais aussi pour comparer les francophones et les anglophones à travers la région. Ces analyses sont de deux types. Le premier type consiste à comparer le poids de la population de la minorité de langue officielle, c’est-à-dire le nombre qu’ils représentent dans la population des AD étudiées, mais aussi dans la population des régions, et le poids de la population de la majorité dans ces mêmes ensembles géographiques, par rapport à leur poids respectif dans les différentes variables socio-économiques étudiées. Tout écart, positif ou négatif, de la représentativité de la minorité dans les différentes catégories des variables socio-économiques étudiées dans ce document contribue à mettre en lumière les différences caractérisant le profil socio-économique de la minorité de langue officielle des CMLO et de la région par rapport à la majorité.


Analyse des différences significatives

Cette section présente le portrait national des différences statistiquement significatives entre minorité et majorité linguistique au sein des communautés minoritaires de langue officielle dans les cinq grandes régions du Canada. À l’aide des divers tableaux dans cette section, il est possible de dégager des observations qui se dessinent à l’échelle nationale, c’est-à-dire des observations qui caractérisent le développement socioéconomique des minorités de langue officielle à travers les cinq grandes régions canadiennes à l’étude à l’échelle des aires de diffusion retenues dans le cadre de la présente recherche. À cet effet, des huit grandes variables socioéconomiques analysées, six contribuent à définir le portrait national des minorités de langue officielle. Afin de faciliter la comparaison et la lecture des comparaisons nationales voici la signification des symboles des tableaux.Note de bas de page 1

+ : La minorité linguistique est surreprésentée par rapport à la majorité pour la variable étudiée.

- : La minorité linguistique est sous représentée par rapport à la majorité pour la variable étudiée

‡ : Il n’y a pas de différences significatives entre les deux communautés linguistiques pour la variable étudiée.

Structure d’âge

Structure d’âge
Variables / AD régionales Atlantique Québec Ontario Prairies et
Nord
Pacifique et
Yukon
Structure d’âge
0-14 ans
15-29 ans +
30-39 ans +
40-49 ans + + +
50-64 ans + + + +
65-74 ans + + + +
75-84 ans + + + +
85 ans et plus + + + +

La première de ces variables, la structure d’âge, montre très bien que la population francophone en situation minoritaire du pays est vieillissante. C’est donc dire que dans les tranches d’âge plus jeunes (0-29 ans), les francophones minoritaires sont, proportionnellement au poids que représente leur population dans chacune des cinq grandes régions du Canada, moins nombreux ou, globalement, sous représentés par rapport à la population anglophone majoritaire. C’est donc dire aussi que les minorités francophones du Canada sont, globalement, surreprésentées dans les tranches d’âges plus élevées (50 ans et plus). Le cas de la région du Pacifique et Yukon est à nuancer puisque les francophones sont surreprésentés par rapport aux anglophones dans la tranche 15-29 ans et sous représentés dans les tranches 75 ans et plus. Par conséquent, le processus de vieillissement de la population minoritaire dans cette région, comparativement à la majorité anglophone, y est moins prononcé que dans les autres régions du Canada (hors Québec).

Éducation

Éducation
Variables / AD régionales Atlantique Québec Ontario Prairies et
Nord
Pacifique et
Yukon
Éducation
Moins que la 9ème année + + + +
Secondaire +
Métier +
CollégialNote de bas de page 2 +
UniversitaireNote de bas de page 3 +

La deuxième variable, l’éducation, attire vivement notre attention. Cette variable montre que les francophones minoritaires à travers le pays sont proportionnellement plus nombreux, par rapport aux anglophones, à ne pas avoir terminé la 9ème année. À l’extrémité supérieure de l’échelle scolaire, c’est-à-dire au niveau universitaire, les francophones minoritaires du pays sont cette fois-ci sous représentés, ou sont proportionnellement moins nombreux à avoir obtenu un diplôme ou un certificat de niveau universitaire. À elles seules, ces données montrent clairement que les francophones minoritaires du Canada sont moins scolarisés que les populations majoritaires anglophones.

Industrie

Industrie
Variables / AD régionales Atlantique Québec Ontario Prairies et
Nord
Pacifique et
Yukon
Industrie
Primaire
Agriculture, foresterie, pêche et chasse + + + + +
Mines, pétrole et gaz + +
Secondaire
Manufacturier + + - - -
Tertiaire de serviceNote de bas de page 4 +
Tertiaire moteurNote de bas de page 5 +
Taux de chômageNote de bas de page 6 + + -
Taux de travailleurs autonome/
entrepreneuriat
Note de bas de page 7
+

L’industrie, la troisième variable, montre que les francophones minoritaires du Canada sont systématiquement surreprésentés, ou sont proportionnellement plus nombreux que les anglophones majoritaires, à se cantonner dans le secteur de l’agriculture, de la foresterie et des pêches. Cette réalité peut être préoccupante pour les francophones minoritaires du Canada, en particulier dans la région de l’Atlantique, puisque ceux-ci sont davantage représentés que les anglophones majoritaires dans un secteur industriel peu orienté vers la valeur ajoutée ou en crise (crises forestière et du bois d’œuvre et rupture des stocks dans le secteur des pêches, par exemple). Hormis la région du Pacifique et du Yukon, où les francophones sont en équilibre avec la majorité anglophone, les francophones minoritaires du Canada sont sous représentés dans le secteur économique névralgique que représente le tertiaire moteur, secteur d’activités résolument orienté vers la forte valeur ajoutée. Il s’agit là d’un autre constat potentiellement inquiétant pour le développement socioéconomique des minorités francophones du pays, constat qui, comme pour l’éducation, commande une intervention des pouvoirs publics. Les secteurs industriels dans lesquels les minorités linguistiques sont sur ou sous représentées conditionnent, en bonne partie, les orientations professionnelles des ces minorités, selon les secteurs industriels où elles se concentrent, d’où l’intérêt d’étudier les champs professionnels des minoritaires.

Professions

Professions
Variables / AD régionales Atlantique Québec Ontario Prairies et
Nord
Pacifique et
Yukon
Professions
Gestion +
Sciences naturelles et appliquées et professions apparentées +
Professions propres au secteur primaire + + + + +
Transformation, fabrication et services d’utilité publique + +

Compte tenu de ce qui a été exposé précédemment, il ne sera pas étonnant de constater que les francophones minoritaires du Canada sont davantage représentés dans les professions propres au secteur primaire et sous représentés dans les professions propres au tertiaire moteur (Gestion et Sciences naturelles et appliquées et professions apparentées). Dans ce dernier cas, la région du Pacifique et du Yukon fait encore figure d’exception, puisque la minorité francophone est, dans ces deux derniers champs professionnels, équitablement représentée par rapport à la majorité anglophone.

Immigration

Immigration
Variables / AD régionales Atlantique Québec Ontario Prairies et
Nord
Pacifique et
Yukon
Immigration +

L’immigration, autre variable contribuant à définir les contours du développement socioéconomique des minorités linguistiques du Canada, montre une proportion plus faible de l’immigration francophone dans toutes les régions canadiennes à l’extérieur du Québec. En d’autres termes, l’immigration francophone ne permet pas à la population minoritaire francophone du Canada d’augmenter ses effectifs, toute proportion gardée, par rapport à la population anglophone. Par conséquent, les populations francophones hors Québec tendent à se diluer ou à se dissiper au sein de la population anglophone majoritaire. L’immigration francophone dans les régions canadiennes à l’extérieur du Québec constitue un autre domaine d’intervention prioritaire des pouvoirs publics.

Revenu

Revenu
Variables / AD régionales Atlantique Québec Ontario Prairies et
Nord
Pacifique et
Yukon
Revenu
Faibles revenus ($2 000-$24 999) + + + 0
Classe moyenne ($30 000- $74 999)   - + 0
Revenus supérieurs ($75 000 et plus) - + - - -

La dernière variable nous permettant de dessiner le portrait national des communautés minoritaires de langue officielle est le revenu. Nos données illustrent que les francophones minoritaires du pays sont proportionnellement plus nombreux que les anglophones majoritaires à se situer dans la tranche des faibles revenus (2 000 $-24 999 $). Les régions de l’Ontario et du Pacifique et Yukon font exception, puisque les francophones sont en équilibre par rapport aux anglophones dans cette tranche de revenu. En revanche, les francophones minoritaires du Canada sont systématiquement sous représentés dans la tranche des revenus supérieurs (75 000 $ et plus). Comme le revenu est étroitement lié à la profession et au secteur économique ou industriel dans lesquels évoluent les populations étudiées, les interventions publiques dans le secteur industriel, notamment en contribuant, par exemple, à accélérer le virage vers la valeur ajoutée dans les industries qui exploitent les ressources naturelles (forêt, pêche, agriculture), devraient permettre une évolution des conditions relatives à la profession et, ultimement, au revenu des minorités francophones du pays.

Regard global des différences significatives par régions

Regard global des différences significatives par régions
Variables / AD régionales Atlantique Québec Ontario Prairies et
Nord
Pacifique et
Yukon
1. Structure d’âge
0-14 ans
15-29 ans +
30-39 ans +
40-49 ans + + +
50-64 ans + + + +
65-74 ans + + + +
75-84 ans + + + +
85 ans et plus + + + +
2. Éducation
Moins que la 9ème année + + + +
Secondaire +
Métier +
CollégialNote de bas de page 2 +
UniversitaireNote de bas de page 3 +
Industrie
Primaire
Agriculture, foresterie, pêche et chasse + + + + +
Mines, pétrole et gaz + +
Secondaire
Manufacturier + + - - -
Tertiaire de serviceNote de bas de page 4 +
Tertiaire moteurNote de bas de page 5 +
4. Professions
Gestion +
Sciences naturelles et appliquées et professions apparentées +
Professions propres au secteur primaire + + + + +
Transformation, fabrication et services d’utilité publique + +
5. Taux de chômageNote de bas de page 6 + + -
6. Taux de travailleurs autonome/
entrepreneuriat
Note de bas de page 7
+
7. Immigration +
8. Revenu
Faibles revenus ($2 000-$24 999) + + + 0
Classe moyenne ($30 000- $74 999)   - + 0
Revenus supérieurs ($75 000 et plus) - + - - -

À une échelle d’analyse plus régionale, l’ensemble des données que nous avons regroupées dans nos tableaux précédents, montre que la minorité anglophone du Québec est tout à fait singulière. Contrairement aux minorités francophones dans les différentes régions du pays, les anglophones du Québec performent, globalement, mieux que les minorités francophones quant aux différentes variables socioéconomiques étudiées. Au regard de la structure d’âge, les anglophones sont équitablement représentés par rapport aux francophones du Québec dans les classes d’âge les plus jeunes (0-29 ans), et sous représentés ou en situation d’équilibre par rapport à la majorité dans les classes d’âge 40 à 74 ans. Les anglophones sont cependant surreprésentés dans les classes de 75 ans et plus.

En ce qui a trait à l’éducation, la minorité anglophone est proportionnellement moins nombreuse que les francophones à ne pas avoir terminé la 9ème année. De plus, les anglophones du Québec sont surreprésentés au niveau universitaire (obtention d’un diplôme ou d’un certificat de niveau universitaire). Dans l’industrie, bien que les anglophones soient surreprésentés par rapport aux francophones dans l’agriculture, la minorité est tout autant surreprésentée dans les secteurs manufacturier et du tertiaire moteur, deux secteurs clés du développement économique. Logiquement, les anglophones du Québec sont par conséquent surreprésentés dans les professions apparentées à ces secteurs d’activités économiques importants (Transformation, fabrication et science d’utilité publique, gestion, Sciences naturelles et appliquées et professions apparentées).

L’immigration est une autre variable où les anglophones du Québec performent mieux que les minoritaires francophones. En effet, la forte proportion d’immigrants anglophones contribue à augmenter la population minoritaire par rapport à la majorité dans la province, ce qui n’est pas le cas dans aucune des régions du Canada où les francophones sont minoritaires. Enfin, en ce qui concerne les revenus, les anglophones du Québec sont surreprésentés par rapport aux francophones dans les revenus les plus faibles (2 000 $-24 999 $) et sous représentés dans les revenus correspondant à la classe moyenne (25 000 $-74 999 $). En revanche, la minorité est surreprésentée dans les revenus supérieurs (75 000 $ et plus). Le taux de chômage est un autre bémol dont il faut tenir compte dans le développement socioéconomique de la minorité anglophone du Québec, puisque le taux de chômage de la minorité linguistique est plus élevé que celui des francophones.

Les anglophones du Québec constituent donc la minorité linguistique de langue officielle qui présente, globalement, les meilleures performances quant aux variables socioéconomiques étudiées à l’échelle canadienne. À l’autre extrémité, la minorité linguistique dans la région de l’Atlantique présente les résultats les moins reluisants. Conformément au tableau 1, les francophones de cette région sont d’abord sous représentés par rapport aux anglophones dans les classes d’âge les plus jeunes (0-29 ans) et systématiquement surreprésentés dans les classes d’âge de plus de 39 ans.

En ce qui a trait à l’éducation, les francophones de l’Atlantique, comparativement aux anglophones de la région, sont proportionnellement plus nombreux à ne pas avoir terminé la 9ème année. Les francophones sont également sous représentés dans tous les autres niveaux d’éducation (secondaire, écoles de métiers, collégial et universitaire). Il n’est donc pas étonnant de constater, toujours à l’aide de l’ensemble des tableaux précédents, que les francophones se cantonnent dans des industries de faible valeur ajoutée (agriculture, foresterie, pêche), ou dans les secteurs du manufacturier en situation de crise (bois d’œuvre, pâte et papier, pêche). Compte tenu de cette situation des francophones dans l’industrie, il n’est pas étonnant non plus de constater leur surreprésentation dans les professions propres au secteur primaire, de même que dans celles propres à la transformation et à la fabrication. Par extension, dans la mesure où les francophones se concentrent dans des secteurs industriels de faible valeur ajoutée et/ou en crise, ce n’est pas non plus une surprise de constater un taux de chômage plus élevé chez les francophones que chez les anglophones. Enfin, le résultat ultime de cette situation économique qui caractérise les francophones de l’Atlantique est que ceux-ci se concentrent davantage que les anglophones dans les revenus les plus faibles (2 000 $-24 999 $) et sont sous représentés dans la classe de revenus de la classe moyenne (25 000 $-74 999 $) et dans les revenus supérieurs (75 000 $ et plus).


Conclusion

La recherche avait pour but de déterminer en quoi le rendement socioéconomique des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) se compare avec celui des communautés en situation majoritaire dans les régions où les deux communautés vivent côte à côte. Les données ne comprennent pas les régions où la majorité est relativement seule et les régions où la minorité est négligeable, c’est-à-dire moins de 5 p. 100 de la population régionale. Les données indiquent clairement que les francophones en milieu minoritaire présentent des rendements socioéconomiques inférieurs aux anglophones qui les côtoient, alors que les anglophones au Québec présentent des rendements socioéconomiques supérieurs aux francophones qui les côtoient. Il faut toutefois préciser que les données ne permettent pas de comparer les régions urbaines et rurales, ni les groupes d’âge. La première variable aurait pu indiquer si les anglophones au Québec, par exemple, vivent mieux que les francophones de Montréal et si leur rendement est égal ou inférieur à celui des francophones québécois qui vivent dans les régions où il y a une concentration d’anglophones (par exemple, la Côte-Nord ou les Cantons de l’Est). Par ailleurs, la deuxième variable aurait pu indiquer si les différences s’estompent avec l’âge ou si la différence observée dans nos analyses est moindre avec les générations plus jeunes. Dans les deux cas, les données pourraient suggérer la tenue d’autres analyses et la formulation de recommandations plus précises ou plus nuancées.

Fait à noter, la recherche comportait aussi un deuxième objectif : déterminer les mesures positives qu’Industrie Canada peut mettre en œuvre pour réduire les écarts qui subsistent dans les régions où l’on dénote d’importantes différences au niveau socioéconomique entre les deux communautés de langue officielle. Les variables socioéconomiques, étudiées à l’aide des données du recensement de 2001, dressent un portrait exact des différences entre les communautés de langue officielle en situation minoritaire et majoritaire dans tout le pays, dans les régions et dans les aires de diffusion où les minorités représentent au moins 5 p. 100 des résidents. Toutefois, certaines de ces variables ne sont pas faciles à gérer par l’État. À l’échelle macroscopique, la concurrence mondiale et certaines fluctuations économiques ont contribué au déclin de certains secteurs primaires, notamment l’industrie de la foresterie et de la pêche – des secteurs où les francophones hors Québec (sauf l’Ontario) sont surreprésentés. Amplifiée par une forte concentration dans les professions les moins attrayantes de ces secteurs plus vulnérables, et par une scolarité moins élevée, cette surreprésentation se traduit par un revenu moindre. Malheureusement, il n’existe pas de bouton magique sur lequel le gouvernement canadien peut appuyer pour corriger la situation. Un autre exemple a trait aux paiements de transfert du gouvernement qui permettent de réduire l’écart entre les revenus des francophones et des anglophones. D’un point de vue logique, le gouvernement fédéral devrait augmenter les transferts aux minorités, mais une telle approche serait discriminatoire et irait à l’encontre de l’autonomie de la minorité. Par conséquent, les recommandations suivantes ont été formulées de façon réaliste et dans le but de favoriser la réflexion faite par Industrie Canada.

Recommandation 1

Compte tenu de la surreprésentation des CLOSM francophones (sauf en Ontario) dans les industries primaires, en déclin et plus vulnérables aux fluctuations du marché mondial, Industrie Canada devrait a) en partenariat avec les entrepreneurs francophones et les organismes francophones de développement économique communautaire (les chambres de commerce, le Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE)), créer ou appuyer des entreprises qui visent à transformer ces ressources en produits finis (valeur ajoutée) et b) en partenariat avec les établissements francophones d’enseignement et d’enseignement postsecondaire dans chaque région, et des partenaires fédéraux et provinciaux, élaborer des stratégies portant sur l’éducation de base (diplôme d’études secondaires) et de formation spécialisée (certificats, diplômes) en entrepreneuriat et dans des emplois secondaires.

Recommandation 2

Comme les jeunes membres des CLOSM au Québec et dans les autres provinces ont un revenu moindre et sont légèrement désavantagés, à bien des égards, par rapport à leurs collègues majoritaires, et comme ils ont tendance à quitter leurs communautés plus souvent que les membres de la majorité, Industrie Canada devrait investir davantage dans l’entrepreneuriat chez les jeunes minoritaires, plus particulièrement dans l’économie du savoir. Par conséquent, il serait nécessaire d’établir un partenariat avec le Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE) et la Corporation d'employabilité et de développement économique communautaire (CEDEC). Comme le RDÉE et la CEDEC n’ont pas de fonds pour les entreprises en démarrage, Industrie Canada devrait, par exemple, créer et administrer un fonds spécial pour aider les jeunes minoritaires à créer leur entreprise. Il pourrait s’agir d’une initiative sur 10 ans.

Recommandation 3

Comme d’importantes questions demeurent sans réponse en raison de la structure des bases de données et de l’étendue des aires de diffusion (AD), souvent trop petites, Industrie Canada devrait poursuivre ses initiatives de recherche, notamment en modifiant la recherche de la façon suivante avant de la répéter :

  1. Mettre à jour les analyses réalisées par l’Institut canadien de recherche en politiques et administration publiques avec les nouvelles données de 2006 sur les CLOSM, récemment produites par Statistique Canada.
  2. Procéder aux analyses par province plutôt que par région. Les organismes communautaires ont fait cette proposition que nous trouvons tout à fait appropriée. Bien que les cinq régions analysées répondent à des besoins administratifs d’Industrie Canada, elles sont trop grandes et comportent beaucoup trop de différences pour constituer une analyse viable.
  3. Ajouter une perspective historique pour déterminer si les écarts s’accentuent, s’amenuisent ou alternent entre les deux. Par conséquent, comparer les données de 2006 à celles de recensements antérieurs, plus précisément les données faisant suite à l’intervention du gouvernement fédéral auprès des CLOSM, en réponse aux recommandations émises par la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme. Nous suggérons de comparer les données de 1971, 1981, 1991, 2001 et 2006. Nous suggérons aussi de répéter les analyses après chaque recensement quinquennal. Il s’agit là de la meilleure source de données pour mesurer la croissance socioéconomique des communautés de langue officielle en situation minoritaire et majoritaire.
  4. Ajouter d’importantes variables aux analyses multivariées — notamment les différences entre les milieux urbains et ruraux, et les groupes d’âge — qui ne peuvent être traitées avec des données au niveau des AD. Grâce à ces ajouts, nous pourrons déterminer dans quelle mesure ces variables influent sur les différences des variables socioéconomiques, comme l’éducation, le revenu et la profession. Les comités régionaux d’Industrie Canada suggèrent fortement d’établir une comparaison entre les régions rurales et urbaines, et les groupes d’âge.
  5. Effectuer un examen des documents et une synthèse des données socioéconomiques comparables provenant d’autres ministères (Patrimoine canadien, RHDCC) et d’autres organisations (RDÉE, Fédération canadienne d’alphabétisation) afin d’obtenir un portrait plus complet et moins statique de la situation.
  6. Recourir aux subdivisions de recensement en tant qu’unité d’analyse au lieu d’utiliser les AD. Cette unité semble être plus utile. Tout d’abord, les subdivisions de recensement regroupent tous les membres d’une communauté en situation minoritaire (et majoritaire) qui ne sont pas dans l’AD particulière analysée, mais qui font partie de la même municipalité. Par conséquent, l’échantillon de la communauté en situation minoritaire sera plus fiable et plus représentatif. De plus, les subdivisions de recensement permettent d’établir des comparaisons avec d’autres travaux menés à ce niveau sans masquer les importantes différences que nous avons déterminées. En dernier lieu, les subdivisions de recensement correspondent aux municipalités, alors que les AD servent uniquement aux fins de recensement. Par conséquent, les mesures positives du gouvernement fédéral sont plus faciles à appliquer lorsqu’une institution municipale est concernée, avec ou sans la collaboration de la province ou du territoire en question.

Recommandation 4

Industrie Canada devrait collaborer avec d’autres ministères fédéraux dotés d’un mandat socioéconomique qui sont des utilisateurs actifs des importantes variables discutées dans le présent rapport. Industrie Canada est le ministère fédéral responsable des questions économiques, mais il n’agit pas seul. L’immigration et la formation postsecondaire, par exemple, relèvent d’autres institutions fédérales. Les organismes de développement économique régional (APECA, DEO, FedNor) sont d’autres partenaires essentiels. Par conséquent, Industrie Canada devrait procéder au lancement d’un processus de développement conjoint avec toutes les institutions fédérales dont le mandat les obligerait à prendre des mesures positives en faveur des CLOSM au niveau socioéconomique pour harmoniser et mettre à profit leurs interventions respectives. Selon nous, cet effort de collaboration déployé au sein de l’administration fédérale doit avoir lieu avant de se tourner vers l’extérieur et d’inviter les gouvernements provinciaux et territoriaux, et les organisations communautaires à la table des discussions. En juin 2005, la Fédération nationale des conseils scolaires francophones a organisé un sommet sur l’éducation en langue française dans les CLOSM du Canada. Industrie Canada, en partenariat avec d’autres institutions fédérales, peut organiser un sommet sur l’économie dans les CLOSM canadiennes.