Le Canada au 21e siècle : Document No 2 : Libéralisation étendue axée sur les aspects fondamentaux : un cadre pour la politique commerciale canadienne

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par Randy Wigle, Université Wilfrid-Laurier, dans le cadre d'un contrat avec Industrie Canada, 1998


Sommaire — le défi

Au cours des dix à quinze prochaines années, l'économie mondiale subira de profonds changements. Alors qu'elle deviendra de plus en plus dépendante de l'information et que les mesures commerciales à la frontière disparaîtront, nous assisteront à une mondialisation croissante des échanges.

Le mouvement vers la société de l'information signifie beaucoup de choses pour beaucoup de gens mais, les conséquences les plus fondamentales des nouvelles technologies sont les suivantes :

  • Une capacité accrue d'intégrer des activités productives géographiquement éloignées,
  • une amélioration spectaculaire de la capacité technologique d'échanger certains services à l'échelle internationale,
  • une part croissante des nouvelles activités commerciales tributaire de l'innovation et
  • une complémentarité croissante entre le commerce international, l'investissement direct et les flux de technologie dans le secteur des affaires.

Cette évolution se traduira par l'émergence d'entreprises dont les opérations et la propriété seront difficiles à décrire en termes de nationalité. Une conséquence connexe sera l'interdépendance croissante d'un certain nombre de domaines de politique intérieure et internationale. La politique de concurrence et la politique en matière d'innovation étaient autrefois considérées de portée essentiellement nationale, mais cette affirmation est de moins en moins exacte. En deux mots, le commerce international prend une envergure et une orientation de plus en plus mondiales.

Alors que les échanges prennent cette dimension mondiale, la réforme de la réglementation dans de nombreux domaines doit aussi adopter une orientation planétaire. Les gouvernements ne pourront atteindre leurs objectifs de politique intérieure que s'ils tiennent compte adéquatement du contexte mondial. À long terme, à mesure que le mouvement vers la mondialisation englobera de nouvelles parties du monde où l'intégration n'a pas encore progressé beaucoup, le forum multilatéral deviendra le cadre idéal pour résoudre les questions que soulèvent les échanges internationaux. Pour toute une foule de raisons pratiques, cependant, les premiers pas vers l'adoption de ces solutions seront souvent faits dans le contexte d'ententes ou de négociations régionales.

Les échanges du Canada

Malgré la prolifération des technologies de l'information et l'abaissement des barrières commerciales, la géographie joue encore un rôle important pour une grande partie des échanges commerciaux. Cela est particulièrement vrai pour le Canada, où la géographie ainsi que des éléments historiques et culturels communs ont favorisé une intégration poussée des économies canadienne et américaine. Cette intégration ne découle pas seulement des initiatives récentes sur le plan des politiques, mais aussi des avantages inhérents au niveau des coûts qui découlent de la proximité et de l'existence de vastes réseaux reliant les deux nations.

Les taux de croissance plus élevés que l'on observe dans d'autres régions du globe, de même que les réformes plus fondamentales aux niveaux structurel et politique signifient vraisemblablement que les marchés qui se développeront le plus rapidement (en pourcentage) au cours des dix à quinze prochaines années sont situés hors de l'Amérique du Nord. À titre d'exemple, le commerce total en Asie du Sud et de l'Est devrait, selon les prévisions, croître de près de 10 pour cent annuellement au cours des dix prochaines années. Les changements technologiques déjà mentionnés ont réduit l'importance des facteurs géographiques dans de nombreux secteurs, mais non dans tous les cas. En conséquence, le volume des échanges commerciaux et des investissements entre le Canada et les États-Unis dominera encore vraisemblablement le commerce international du Canada dans l'avenir immédiat.

Orientations générales

Dans ce document, nous faisons valoir que la politique commerciale du Canada au cours des prochaines années devrait appuyer la libéralisation dans un contexte régional et substantif le plus étendu possible. L'accent devrait être mis sur l'identification et la mise au point de solutions aux problèmes fondamentaux qui se posent, plutôt qu'à la gestion de symptômes préoccupants au niveau des parts de marché ou de la balance commerciale.

Libéralisation ou retrait?

En réalité, le Canada a peu d'autre choix que de chercher à étendre l'accès aux marchés étrangers par des négociations multilatérales aussi bien que bilatérales. Certains facteurs qui jouent en ce sens sont assez simples :

  • Le marché intérieur canadien est de petite taille.
  • L'accès à la technologie est essentiel à la croissance économique du Canada.
  • L'accès à l'investissement étranger revêt une importance capitale pour le Canada.

Le Canada doit donc continuer à rechercher une libéralisation progressive dans l'avenir immédiat. Cette orientation doit être interprétée à la lumière des nouvelles réalités du commerce international, notamment en raison du fait que le mouvement de libéralisation signifie maintenant davantage que la simple réduction des tarifs douaniers.

L'amélioration de l'accès aux marchés ou de la présence commerciale des entreprises voudra dire, dans bien des cas, qu'il faudra accorder le traitement national à l'ensemble des entreprises, des produits et des services dans un nombre sans cesse croissant de secteurs du commerce. Tout le comme le Canada a été à l'avant-garde de la libéralisation des mesures à la frontière, il doit jouer un rôle de premier plan dans les efforts visant à conclure de nouveaux accords internationaux dans des domaines tels que l'investissement, la politique de concurrence et les normes de produits et, également, dans l'examen des recours actuels (par exemple les droits anti-dumping et les droits compensatoires) à la lumière de ces cadres de discipline internationale reformulés.

Quel objectif poursuivre ?

Pour de nombreuses raisons, la négociation de nouveaux codes de conduite dans des domaines tels que la politique de concurrence, l'investissement et la réglementation nationale se poursuivra vraisemblablement au sein de diverses instances. Cela comprend les discussions multilatérales à l'OMC et à l'OCDE, les discussions qui ont cours dans les forums régionaux comme l'APEC et l'ALENA, ainsi que les discussions plus générales sur la libéralisation plus poussée des échanges dans l'hémisphère américain.

L'émergence des États-Unis comme seule superpuissance politique et la position dominante occupée de ce pays présenteront probablement aux décideurs canadiens un défi aussi redoutable qu'en tout autre temps de l'histoire de notre pays et l'on peut s'attendre à ce qu'il en demeure ainsi. Pour cette raison, le Canada devrait accorder une priorité adéquate aux négociations multilatérales comme contrepoids naturel à la prépondérance économique des États-Unis sur le Canada.

En outre, les gains que l'on peut attendre de négociations supplémentaires dans l'hémisphère américain sont modestes en comparaison de ceux que l'on pourrait obtenir dans un contexte multilatéral en partie à cause de l'importance des progrès réalisés dans le cadre de l'ALENA et des résultats décevants de l'Uruguay Round.

Si les discussions régionales et multilatérales consacrées aux dimensions nouvelles et classiques de l'accès aux marchés sont importantes, la priorité devrait être accordée aux discussions au sein de l'OMC, structurées de préférence dans une nouvelle ronde de négociations multilatérales. Des pressions s'exercent déjà pour que l'on amorce une nouvelle ronde multilatérale, ce qui devrait se faire le plus rapidement possible. La stratégie globale de négociation du Canada devrait être centrée sur les disciplines multilatérales qui pourraient devenir un objectif à long terme.

Retour à l'essentiel

De façon générale, en cherchant des solutions aux nouveaux défis ou en tentant de réduire les mesures de protection classique à la frontière, le Canada devrait, dans tous les cas où cela est possible, commencer par identifier la cause fondamentale (en termes d'externalité non internalisée ou de distorsion) d'un problème pour ensuite procéder à la recherche d'une solution. Dans le domaine de la politique de concurrence, par exemple, le Canada devrait chercher à supprimer les mesures anti-dumping telles qu'elles sont utilisées à l'heure actuelle. Il devrait aussi s'opposer aux propositions qui ciblent certains symptômes (par exemple la balance commerciale ou la part de marché) indépendamment de toute analyse économique sous-jacente. Le Canada devrait s'opposer à toute proposition de ce genre sauf à titre de mesure transitoire.

Environnement et droits de la personne

Au cours des dix à quinze prochaines années, la communauté internationale déterminera si et de quelle manière le commerce international devrait être lié à l'environnement et aux droits de la personne. Le Canada devrait clairement promouvoir les initiatives internationales visant à améliorer l'environnement planétaire et à faire progresser le respect des droits de la personne dans les principaux forums où ces questions doivent être débattues1. Simultanément, le Canada devrait s'engager à harmoniser le plus possible les aspects commerciaux de tous les accords internationaux avec les principes fondamentaux du système commercial et il devrait aussi appuyer des solutions qui permettent de s'attaquer réellement aux problèmes fondamentaux que soulève la protection de l'environnement et les droits de la personne.

Conclusion

La politique commerciale du Canada au cours des dix à quinze prochaines années devrait être s'articuler autour de deux engagements majeurs :

  1. L'engagement envers la libéralisation la plus étendue possible des échanges internationaux. Cela devrait comprendre un engagement renouvelé à l'égard de l'expansion du système multilatéral tout en poursuivant les discussions au sein d'autres instances.
  2. L'engagement à atteindre les objectifs fondamentaux de la politique commerciale de manière à engendrer le moins possible de distorsions commerciales.

Les défis les plus redoutables que devront relever les décideurs canadiens au cours des dix à quinze prochaines années seront vraisemblablement de réduire l'endettement public et d'améliorer la capacité du marché du travail de créer des emplois et d'offrir les compétences requises. Si une politique commerciale prudente représente un allié important dans cette tâche, elle ne saurait remplacer de saines politiques sur le plan intérieur. Simultanément, il est assez évident qu'une mauvaise politique commerciale (en particulier une politique qui fait du commerce un bouc émissaire) gênerait certainement l'atteinte des objectifs de la politique intérieure.