Des cas de méningite inhabituels au Canada

Increase in ST-11 serogroup W Neisseria meningitidis invasive meningococcal disease in Canada, 2016–2018. Tsang RS*, Hoang L, Tyrrell GJ, Minion J, Van Caeseele P, Kus JV, Lefebvre B, Haldane D, Garceau R, German G, Zahariadis G, Hanley B. Can Commun Dis Rep 2019 Jun 6; 45(6):164-9. doi: https://doi.org/10.14745/ccdr.v45i06a04

 

 

Cet article scientifique explique l’émergence d’une source très infectieuse de Neisseria meningitidis au Canada. Ce travail montre comment les activités de surveillance en laboratoire nous aident à mieux comprendre et endiguer la propagation des bactéries infectieuses qui sont à l’origine de maladies évitables par la vaccination.

Que savait-on de ce domaine avant vos travaux et quel est le motif de cette recherche ?

La méningococcie invasive causée par Neisseria meningitidis (N. meningitidis) est une maladie grave, qui peut engendrer un œdème des tissus entourant le cerveau et une bactériémie. Entre 10 et 15 % des patients en décèdent. La méningococcie invasive peut avoir des répercussions à long terme sur la santé (environ 20 % des patients), notamment la perte auditive ou l’amputation. Dans le monde, la plupart des méningococcies invasives sont attribuables à six des douze sérogroupes connus de N. meningitidis. La répartition en sérogroupes permet de classifier les formes distinctes de N. meningitidis selon les caractéristiques de l’enveloppe externe de la bactérie, un déterminant majeur de la virulence. Les classifications par sérogroupe aident les chercheurs à mieux comprendre et surveiller les différentes souches causant la maladie. La majorité des cas recensés au Canada depuis vingt ans ont été causés par les sérogroupes B, C, Y et W de N. meningitidis. Dans ce contexte, la plupart des provinces et territoires ont inclus la vaccination contre les quatre principaux sérogroupes – A, C, W et Y – dans leurs programmes d’immunisation, les vaccins contre le sérogroupe B étant offerts séparément. Les programmes de vaccination ont amené une nette diminution des méningococcies invasives à MenC chez les nourrissons et les adolescents depuis leur introduction au début des années 2000. Malgré ces progrès, quelques provinces enregistrent une augmentation des cas d’infection par le sérogroupe W (MenW) depuis 2014. Cet article fait le point sur l’infection à MenW invasive au Canada, tout en abordant les caractéristiques des souches et les données démographiques relatives aux cas.

Quels sont les résultats les plus importants de vos travaux ?

Le LNM procède à la caractérisation systématique des isolats de N. meningitidis soumis par les provinces dans les cas de méningococcie invasive. Ce typage supplémentaire facilite la classification des échantillons et contribue à la surveillance nationale de la méningococcie invasive. Selon l’analyse des isolats reçus, le sérogroupe MenW a causé davantage d’infections invasives en 2018 que les méningocoques des sérogroupes B, C ou Y. Il s’agit d’une situation sans précédent, qui découle probablement de l’émergence et de la propagation mondiale d’une souche MenW virulente (ST-11 CC¬). La maladie associée à cette souche MenW se caractérise par des signes et symptômes inhabituels, une progression rapide et un taux élevé de mortalité. Plus de la moitié des cas compris dans l’étude sont survenus chez des patients de 30 ans ou plus, ce qui est inhabituel pour cette maladie qui touche d’ordinaire les nourrissons, les jeunes enfants, les adolescents et les jeunes, ou encore les personnes âgées. Le nombre disproportionné de cas d’infection à MenW chez les adultes pourrait motiver la mise en place de stratégies de vaccination en vue de limiter la propagation potentielle de la souche en cause.

Quelles sont les répercussions de la recherche ?

Cette étude vient confirmer et décrire une hausse récente des cas de méningococcie invasive attribuables à une souche MenW CC ST-11. Les vaccins anti-méningococciques actuels offrent une protection contre la souche MenW. Un programme de vaccination ciblé mené en Colombie-Britannique a permis d’endiguer une éclosion locale de MenW CC ST-11. La facilité avec laquelle se propagent les bactéries responsables de méningococcies invasives, ainsi que le fardeau de la maladie sont des facteurs importants dont il faut tenir compte pour déterminer les modalités d’administration des vaccins. Par ailleurs, la lutte contre les infections à MenW et leur détection pourraient bénéficier d’une intervention proactive des médecins de première ligne, notamment la mise en route rapide d’une antibiothérapie et la demande d’analyses de laboratoire en présence de méningococcie soupçonnée. L’émergence de nouveaux types et de souches inhabituelles de N. meningitidis montre l’importance et la nécessité d’inclure la caractérisation des souches dans les activités courantes de surveillance et de recherche concernant les méningococcies invasives. Un tel travail de caractérisation des souches pourrait en outre contribuer à l’élaboration d’une politique de vaccination qui protégera mieux les Canadiens contre les souches émergentes et nocives.

Autres références importantes :

  • Pace D, Pollard AJ. Meningococcal disease: clinical presentation and sequelae. Vaccine 2012 May 30; 30 (Suppl 2): B3-9. doi: https://doi.org/10.1016/j.vaccine.2011.12.062
  • Tsang RSW*, Ahmad T*, Tyler S*, Lefebvre B, Deeks SL, Gilca R, et al. Whole genome typing of the recently emerged Canadian serogroup W Neisseria meningitidis sequence type 11 clonal complex isolates associated with invasive meningococcal disease. Int J Infect Dis 2018 Apr; 69:55-62. doi: https://doi.org/10.1016/j.ijid.2018.01.019