Prédire la résistance aux antituberculeux

Pour souligner la Journée mondiale de la tuberculose le 24 mars, le présent article scientifique présente les travaux en cours au Laboratoire national de microbiologie (LNM) qui utilisent la bioinformatique pour prédire la résistance aux antituberculeux. Des outils d’analyse novateurs pourraient révéler des renseignements importants sur les agents pathogènes, tels que la pharmacorésistance, pouvant appuyer la prise de décisions cliniques en temps opportun. La recherche appliquée visant à améliorer les épreuves diagnostiques pour cette menace à la santé publique prioritaire représente l’une des contributions du LNM aux efforts internationaux visant à mettre fin à l’épidémie mondiale de tuberculose.

 

Que savait-on de ce domaine avant vos travaux, et quel est le motif de cette recherche ?

La tuberculose est une maladie infectieuse à transmission aérienne qui est causée par Mycobacterium tuberculosis (M. tuberculosis). Cette bactérie cause plus de décès que tout autre agent infectieux à l’échelle mondiale. En 2017, près de 1 800 cas de tuberculose ont été déclarés au Canada. Comme de nombreux autres agents pathogènes, la pharmacorésistance constitue une menace grave pour la santé des personnes infectées, et complique énormément le traitement de la maladie et les efforts visant à l’enrayer. Les souches de tuberculose pharmacorésistantes exigent généralement un traitement beaucoup plus long et nécessitent des médicaments plus coûteux qui sont associés à des effets secondaires plus graves. En 2016, il a été établi que le coût de traitement d’un cas de tuberculose pharmacosensible était de 18 000 $ US alors que le coût de traitement d’un cas de tuberculose présentant une résistance à la plupart des médicaments, que l’on appelle tuberculose ultrarésistante, s’élevait à plus de 500 000 $ US.

La méthode de référence en matière de tests de résistance aux médicaments est un processus lent qui peut nécessiter plusieurs semaines. Prédire la pharmacorésistance au moyen de la détection de mutations précises dans l’ADN bactérien par séquençage du génome entier (SGE) exige beaucoup moins de temps et peut potentiellement orienter les décisions relatives aux options de traitement de façon plus opportune.

Quels sont les résultats les plus importants de vos travaux ?

Une évaluation de l’exactitude de deux outils logiciels bien connus et accessibles au public a été réalisée pour prédire les profils de pharmacorésistance de M. tuberculosis au moyen des données issues du SGE provenant de souches reçues au LNM au cours des deux dernières années. Des deux applications, Mykrobe est celle qui a donné les meilleurs résultats, permettant de trouver davantage de mutations dans les souches résistantes, y compris 34 % plus de mutations qu’avec les méthodes antérieures de séquençage de l’ADN. Heureusement, la plupart des souches de M. tuberculosis envoyées au LNM sont sensibles aux quatre médicaments les plus importants utilisés (l’isoniazide, la rifampicine, l’éthambutol et le pyrazinamide). L’outil logiciel a prédit correctement que les souches seraient sensibles aux quatre médicaments avec une exactitude de 98,5 %. Lorsque les 18 700 séquences génomiques publiées ont été analysées, la pharmacorésistance a été prédite correctement avec une sensibilité de 75 à 95 % pour les quatre médicaments et une spécificité de 93 à 98 %. L’exactitude des tests est souvent mesurée par leur sensibilité et leur spécificité, qui décrivent les résultats comme des vrais positifs et des vrais négatifs, respectivement.

Quelles sont les répercussions de la recherche ?

Les présents travaux montrent que la prédiction génomique de la sensibilité aux antimicrobiens de M. tuberculosis offre une sensibilité et une spécificité élevées pour la plupart des médicaments, mais n’atteint pas les cibles de l’Organisation mondiale de la Santé qui sont établies à 90 % pour la sensibilité et à 95 % pour la spécificité. D’autres recherches doivent être menées pour comprendre les mécanismes de pharmacorésistance et identifier d’autres mutations dans l’ADN pour atteindre un coefficient de corrélation plus élevé par rapport à la méthode de référence en place.

Un avantage important lié à l’utilisation de données issues du SGE est qu’elles permettent de détecter rapidement tous les gènes possibles de pharmacorésistance à la fois. Le profil de résistance prédit pourrait orienter les options de traitement clinique et offrir la possibilité de recourir à des médicaments de rechange, en cas d’effets secondaires. La prédiction de la pharmacorésistance à l’aide des données issues du SGE pourrait potentiellement réduire le délai d'obtention des résultats diagnostiques, qui serait de 5 à 15 jours au lieu du délai habituel de 2 à 6 semaines. Plus tôt nous détectons la pharmacorésistance, plus tôt nous pouvons administrer le traitement approprié aux patients pour éliminer l’infection et réduire le risque de propagation de la maladie.

Autres références importantes :