Technlogies transformatrices et emplois de l’avenir

27-28 mars 2018

Résumé et recommandations

Le présent rapport met l'accent sur les incidences de la transformation numérique sur les emplois et la productivité. Il a été conçu pour éclairer la discussion des ministres de l'Innovation au sommet du G7 de 2018 dans le cadre du volet sur l'innovation et l'emploi : « Se préparer aux emplois de l'avenir ». Il vient compléter la note de discussion sur l'avenir du travail qu'a préparée l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour appuyer la réunion parallèle des ministres responsables du Travail et de l'Emploi au sommet du G7, qui visera à examiner spécifiquement comment les politiques et les pratiques conçues pour le monde du travail du XXe siècle doivent être adaptées pour veiller à ce qu'il y ait des possibilités d'emploi justes et gratifiantes pour tous à l'avenir.

Le sommet du G7 joue un rôle important quant à la sensibilisation accrue à la transformation en cours et il permet la mise en commun des expériences sur la meilleure façon d'exploiter les possibilités tout en abordant efficacement les défis. Un tel échange pourrait être axé sur la conception, la mise en oeuvre et l'évaluation des politiques. L'OCDE peut apporter son aide sur ce plan et agir en qualité de centre d'échange pour la diffusion des pratiques exemplaires et des pratiques fondées sur des preuves.

Au-delà de l'échange de renseignements, le sommet duG7 peut faciliter la collaboration sur la résolution des enjeux communs qui sont de nature internationale. Quatre enjeux ont grandi en importance dans le cadre du programme d'élaboration des politiques : i) s'assurer que l'économie et les sociétés tirent parti des meilleurs avantages possible des technologies transformatrices, y compris de l'importance grandissante des données; ii) établir une approche commune quant à l'application de l'intelligence artificielle (IA); iii) encourager l'innovation inclusive; et iv) se préparer pour les emplois de l'avenir. De plus, on ressent un besoin primordial d'améliorer la mesure de la transformation numérique afin d'établir des données probantes pour permettre la prise de décisions plus efficace en ce qui a trait à ces quatre enjeux politiques. L'OCDE est disposée à contribuer aux discussions du sommet du G7, à faire progresser le dialogue avec les intervenants et à appuyer la mise en oeuvre de politiques fondées sur les données probantes dans ces domaines. Les messages clés à tirer du rapport sont énoncés ci-dessous.

L'incidence des technologies transformatrices sur l'économie et les sociétés

  • Une transformation numérique de grande envergure, qui touche tous les secteurs économiques, est en cours. Cette transformation se caractérise par la connectivité presque universelle et l'informatique omniprésente, et elle est fondée sur la production et l'utilisation d'une vaste quantité de données.
  • Cette transformation a des incidences positives sur la productivité de nombreuses sociétés, mais elle ne s'est pas encore traduite par une croissance améliorée de la productivité pour l'ensemble de l'économie. Des incidences plus importantes pourraient se manifester en raison des efforts stratégiques déployés en vue d'encourager une diffusion plus répandue des technologies numériques à toutes les sociétés, et plus particulièrement aux petites et moyennes entreprises (PME); des investissements plus importants à l'égard des actifs complémentaires essentiels comme le perfectionnement des compétences au niveau de l'entreprise, le changement organisationnel et l'innovation des procédés; de même que du soutien accordé à l'apport d'autres changements structurels pour permettre la croissance de nouveaux modèles d'entreprise et d'entreprises hautement numériques.
  • La grande diversité des changements technologiques crée une grande incertitude à l'égard de leur orientation et des incidences futures. En effet, les prédictions par rapport à l'échéancier technologique sont souvent inexactes et la surestimation des incidences à court terme est commune.
  • La liste des technologies transformatrices est longue, mais certaines technologies ont le potentiel d'avoir une portée particulièrement grande, notamment l'IA, l'Internet des objets et la chaîne de blocs. Ces trois technologies TECHNOLOGIES TRANSFORMATRICES ET EMPLOIS DE L'AVENIR 4 © OECD, 2018 transformatrices présentent des caractéristiques communes, par exemple leur dépendance à des ensembles de données volumineux et à un large éventail de technologies numériques. Elles ont également un fort potentiel d'améliorer la conception, la mise en oeuvre et l'évaluation des politiques d'intérêt public.
  • Une plus grande convergence des technologies peut être appuyée par la collaboration interdisciplinaire, notamment dans les domaines interdisciplinaires de la formation et de la recherche et du développement (R-D). Davantage de travail doit être réalisé par les pays du G7 pour mettre de côté les dispositions institutionnelles et organisationnelles monodisciplinaires établies depuis longtemps en ce qui a trait au financement et à l'exécution de la R-D. De nouveaux espaces multidisciplinaires, comme des grappes, peuvent appuyer cette convergence.
  • La recherche du secteur public est souvent essentielle pour appuyer le développement des technologies transformatrices. Les nouvelles technologies présentent de nombreux risques et soulèvent souvent des questions d'éthique.
  • Non seulement l'élaboration de la technologie est importante, mais la diffusion efficace de celle-ci l'est également. Certaines institutions, notamment celles qui offrent des services d'extension de la technologie, peuvent jouer un rôle important pour appuyer le processus de diffusion, mais leurs services ont tendance à se voir accorder une faible priorité dans les politiques actuelles en matière d'innovation.
  • Les données sont l'essence de la transformation numérique et elles constituent de plus en plus la base du commerce et de l'économie globale, ainsi que des sciences et de l'innovation. Les pays adoptent différentes approches par rapport à la gestion des risques à la sécurité numérique et à la confidentialité, de même qu'aux défis communs associés à la mise à niveau de leurs contextes de réglementation par rapport à l'ère numérique. La valeur de la discussion multilatérale et multipartite sur les données et sa gouvernance ne peut pas être surestimée.

Intelligence artificielle

  • Le débat international sur l'IA s'est fortement intensifié au cours des récentes années. Dans la déclaration ministérielle présentée à Takamatsu en avril 2016 (G7, 2016), les ministres chargés des TIC ont convenu de la nécessité de faciliter la R-D et l'adoption de nouvelles technologies, dont l'IA, et de s'assurer que les cadres politiques tiennent compte des vastes retombées économiques et sociétales de ces technologies à mesure qu'elles sont élaborées.
  • En septembre 2017, les ministres chargés des TIC et de l'industrie du G7 se sont engagés à Turin à prendre part à des discussions avec divers intervenants sur une IA centrée sur l'humain pour les sociétés. Par ailleurs, ceux-ci ont réitéré la nécessité d'accroitre l'échange d'information et les discussions, notamment sur la protection de la vie privée, la transparence et la responsabilisation, l'éthique, la création d'emplois et la cybersécurité, afin de mieux comprendre les possibles répercussions générales des technologies d'IA sur la société et l'économie ainsi que d'étudier les différentes approches multipartites à l'égard des enjeux politiques et réglementaires liés à l'IA. Les pays du G7 se sont entendus pour continuer de diriger les efforts déployés aux fins de la création d'une IA bénéfique pour la société avec l'aide l'OCDE.
  • Une récente étude de l'OCDE montre que l'IA ne se limite pas au monde numérique et que d'importantes activités de brevetage sont menées dans d'autres secteurs, notamment ceux des transports et de la machinerie, et pourraient fort probablement s'étendre à tout un éventail de services, comme les soins de santé et les finances. Toutefois, des mesures politiques seront nécessaires dans de nombreux domaines si l'on veut tirer profit des avantages de l'IA. Les systèmes d'éducation et de formation devront être remaniés afin de s'assurer que les jeunes et les adultes au travail possèdent les bonnes compétences pour évoluer dans un environnement axé sur l'IA.
  • En 2016, entre 73 % et 98 % des adultes des pays du G7 étaient connectés à Internet et presque la totalité des adultes du Japon et du Royaume-Uni y avait accès. Toutefois, malgré l'adoption rapide des technologies numériques, certains fossés persistent et l'utilisation des technologies numériques varie encore selon l'âge, la région géographique, l'éducation et le niveau de revenu. Cependant, certains écarts se réduisent avec le temps.
  • L'égalité hommes-femmes est particulièrement importante pour assurer une transformation inclusive. Bien que les femmes soient sous-représentées dans de nombreux secteurs de la transformation numérique, de nouvelles occasions se présentent pour renforcer l'autonomie des femmes ainsi que leur rôle sur le marché du travail et dans la transformation numérique.
  • L'acquisition de compétences constitue une protection importante contre les risques associés à l'automatisation. Moins de 5 % des travailleurs qui possèdent un diplôme d'études supérieures courent un risque élevé de perdre leur emploi par suite de l'automatisation, comparativement à 40 % chez les travailleurs qui possèdent un diplôme d'études secondaires. Pour réussir dans cette ère numérique, tous les travailleurs devront posséder un vaste ensemble de compétences cognitives, non cognitives et sociales (p. ex. des compétences en technologies de l'information et des communications [TIC]; en sciences, en technologie, en génie et en mathématique [STGM]; et en organisation).
  • Outre ces initiatives générales, des mesures visant les groupes sous-représentés devront être prises. Cela comprend non seulement les femmes, mais aussi les Autochtones, les décrocheurs, les personnes qui n'occupent pas d'emploi et qui ne suivent ni d'études ni de formation, les chômeurs de longue date et les jeunes sansemploi ainsi que les minorités ethniques, dont la plupart possèdent des degrés de compétence moins élevés.
  • De plus, les technologies numériques sont susceptibles de favoriser l'inclusion sociale en facilitant l'accès à une éducation de qualité, à de nouvelles occasions de perfectionnement des compétences et aux soins de santé ou en offrant un meilleur accès à l'information, aux données et aux connaissances gratuites ou à faibles coûts.
  • L'amélioration de l'accès de tous les groupes de la société à la technologie peut contribuer à assurer une innovation inclusive, tout comme l'application des nouvelles technologies qui visent l'amélioration du bien-être. Les politiques relatives à l'industrie et à l'innovation des pays du G7 peuvent également y contribuer, en particulier si elles font appel aux PME et aux régions sous-nationales.
  • Bien que l'utilisation des TIC présente certains défis pour les PME, elle offre également certaines possibilités importantes, comme le développement de petites entreprises internationales par nature (p. ex. lorsque les propriétaires sont situés dans des pays différents), le cybermarché mondial, un meilleur accès à un éventail d'instruments financiers ou l'externalisation des principales fonctions opérationnelles, et chacune d'elles peut contribuer à améliorer le rendement.
  • Comme la croissance de l'économie numérique peut aggraver les disparités géographiques en matière de revenus, l'établissement de politiques de développement régional et local est important pour assurer une croissance inclusive.
  • De façon plus générale, l'innovation inclusive exige une gouvernance inclusive et anticipatoire du changement technologique qui comprend une évaluation des avantages et des coûts ainsi qu'une participation active au développement à venir. Il reste encore beaucoup à faire pour mettre en place de telles dispositions dans les pays du G7.

Se préparer aux emplois de l'avenir

  • Selon les estimations de l'OCDE, environ 14 % des travailleurs courent un risque élevé que la plupart de leurs tâches actuelles soient automatisées au cours des 15 prochaines années. Les tâches de 30 % des autres travailleurs changeront considérablement et, par conséquent, les compétences requises aussi. Environ la moitié des travailleurs seront confrontés à la nécessité de s'adapter considérablement au nouveau milieu de travail.
  • Bien que la vitesse à laquelle les changements s'opèrent soit incertaine, il n'y a aucun doute que les types d'emploi qui se créent ne sont pas les mêmes que ceux qui se perdent. De plus, il se peut que les travailleurs ayant perdu un emploi dans un secteur d'activités en déclin ne soient pas ceux qui bénéficient des nouvelles possibilités d'emploi qui se présentent dans les domaines en expansion.
  • Les marchés du travail semblent se polariser, car les emplois moyennement spécialisés sont en baisse, alors que les emplois peu spécialisés et hautement spécialisés sont en hausse. Désormais, les travailleurs peu spécialisés sont ceux qui risquent le plus de faire les frais de la transformation numérique, mais ils sont actuellement les moins susceptibles de recevoir une formation.

En particulier, les politiques devront faciliter la réaffectation des travailleurs, permettre d'investir dans les compétences et de renforcer la protection sociale, assurer la pérennité de la réglementation du marché du travail et favoriser le dialogue social.

  • Faciliter la réaffectation des travailleurs : l'adaptation aux progrès technologiques nécessitera des politiques qui facilitent la réaffectation des travailleurs dans l'ensemble des entreprises, des secteurs d'activités et des régions.
  • Investir dans les compétences : les gens, surtout les jeunes, doivent se préparer pour les emplois de l'avenir en se dotant de la combinaison idéale de compétences requises pour réussir à se frayer un chemin dans les milieux de travail en constante évolution qui sont hautement technologiques. Le développement des compétences ne concerne pas seulement les études, mais de plus en plus l'apprentissage continu qui requiert de repenser et de mieux cibler et encourager les bénéficiaires des programmes de formation.
  • Renforcer la protection sociale : une protection sociale adéquate est essentielle pour aider les travailleurs à effectuer une transition en douceur vers un autre emploi, en particulier s'ils ont été licenciés.
  • Assurer la pérennité de la réglementation du marché du travail – Le maintien et l'amélioration du rendement du marché du travail de l'avenir exigent également de poser un regard neuf sur la réglementation actuelle du marché du travail afin de s'assurer qu'elle convient encore aux fins visées.
  • Favoriser le dialogue social : le monde du travail de l'avenir pourrait se façonner plus facilement et efficacement si les employeurs, les travailleurs et leurs représentants travaillaient en étroite collaboration avec les gouvernements dans un esprit de coopération et de confiance mutuelle.
  • Un programme d'adaptation axé sur les gens doit être élaboré afin que tout le monde puisse bénéficier d'un plan d'avenir positif qui ne laisse personne derrière et place le bien-être au premier plan. Cela s'apparente à l'approche nordique de la « sécurité flexible », mais elle doit être adaptée aux établissements, aux antécédents et aux normes des divers pays.

Améliorer la mesure de la transformation numérique

Une meilleure compréhension de la portée probable de la transformation numérique, des secteurs, des emplois et des régions susceptibles d'être touchés, de même que de l'échéancier probable peut aider à élaborer de meilleures politiques. Il n'y a pas suffisamment de données probantes dans de nombreux domaines, notamment l'adoption des technologies numériques, la croissance de l'économie à la demande et les répercussions sur la productivité. Le rôle croissant des données, y compris dans le commerce international, est un domaine particulièrement important où il manque des données solides (c'est-à-dire les « données sur les flux de données »). L'amélioration des données et des statistiques sur ces questions pourrait constituer une contribution importante du G7.