Jacques Roy — 29 avril 2002

Décision sur la conduite professionnelle

Qu'est-ce qu'une décision sur la conduite professionnelle?

Le BSF ouvre une enquête sur la conduite professionnelle d'un syndic autorisé en insolvabilité (SAI) lorsqu'il dispose d'information laissant croire que le SAI n'a pas rempli adéquatement ses fonctions, n'a pas administré un dossier comme il se doit ou n'a pas respecté la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (LFI).

Dans certains cas, les conclusions de l'enquête sont suffisamment graves pour donner lieu à une recommandation de sanction visant la licence d'un SAI [annulation ou suspension de la licence en vertu du paragraphe 13.2(5)] ou imposition de conditions ou de restrictions en vertu du paragraphe 14.01(1) de la LFI.

La décision sur la conduite professionnelle est assimilée à celle d'un office fédéral et peut faire l'objet d'un examen judiciaire par la Cour fédérale.

Dans l'affaire de :
Jacques Roy — détenteur d'une
licence de syndic pour la province du Québec

Devant Me François Rioux —
Délégué du Superintendant des Faillites


Motifs de la décision rendue le 5 Avril 2002
quant aux demandes de sursis et de remise
du syndic Jacques Roy


Attendu qu'en date du 26 septembre 2001, le surintendant des faillites a délégué au soussigné, en vertu du paragraphe 14.01(2) de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (« LFI »), certaines attributions énoncées aux articles 14.01, 14.02 et 14.03 eu égard à l'audition et à l'administration des mesures de surveillance relativement à la conduite du syndic Jacques Roy (le « syndic ») suivant l'enquête tenue par madame Sylvie Laperrière, analyste principale, bureau du surintendant (« l'analyste principale »);

Attendu que cette délégation fait suite à la confection d'un rapport d'enquête de la part de l'analyste principale faisant état de circonstances qui tendent à démontrer à l'analyste principale que le syndic n'a pas rempli adéquatement ses fonctions de syndic, ni observé la LFI, les Règles générales ou les instructions du surintendant dans le cours de l'administration de certains actifs (le « rapport d'enquête »);

Attendu que suivant la transmission dudit rapport d'enquête au syndic, ce dernier s'est prévalu de son droit de se faire entendre devant le surintendant, comme le prévoit le paragraphe 14.02(1) de la LFI, d'où la délégation susdite;

Attendu que le soussigné a avisé les procureurs du syndic et de l'analyste principale le 7 décembre 2001 qu'une audition serait tenue afin que le syndic puisse avoir la possibilité de se faire entendre avant que le soussigné décide s'il convient de prendre l'une ou plusieurs des mesures disciplinaires mentionnées aux alinéas 14.01(1)a) à c) de la LFI contre le syndic;

Attendu que par la même occasion, le soussigné a informé les parties que l'audition à être tenue serait sous forme de débat contradictoire mené en accord avec les principes de justice naturelle;

Attendu que par la même occasion, le soussigné a convoqué les parties à une conférence préparatoire dans la semaine du 17 décembre 2001, où seraient discutés : a) la durée probable de l'audition; b) le lieu et la date de l'audition; c) les modalités applicables à l'instruction de la preuve et de l'audition; d) l'échéancier que les parties suivraient afin que l'affaire soit en état d'être entendue à la date prévue; e) si tout ou partie de l'audition et le dossier de l'audience devaient demeurer confidentiels en vertu du paragraphe 14.02(3) de la LFI; et f) si les parties avaient l'intention de soulever des exceptions au sujet de la compétence du soussigné, de la compétence du bureau du surintendant ou de la constitutionalité de la procédure disciplinaire susdite;

Attendu que suivant la convocation du 7 décembre 2001 susdite, et à la demande des parties, le soussigné reporta la tenue de la conférence préparatoire à une date à être fixée après le 31 janvier 2002;

Attendu que le 12 février 2002, les parties ont convenu avec le soussigné que la conférence préparatoire serait tenue le 19 mars 2002;

Attendu que le ou vers le 18 mars 2002, une conférence téléphonique fut tenue au cours de laquelle le procureur du syndic informa le soussigné et le procureur de l'analyste principale que la conférence préparatoire du 19 mars 2002 devait être remise en raison d'un empêchement de sa part;

Attendu que lors de cette conférence téléphonique, les procureurs des parties ont néanmoins convenu de fixer aux 6, 7 et 8 mai 2002 les dates de l'audition disciplinaire;

Attendu que lors de cette conférence téléphonique, les parties ont également convenu de tenir la conférence préparatoire le 4 avril 2002 en prévision de ladite audition;

Attendu que le 3 avril 2002 le procureur du syndic informa le soussigné qu'il avait l'intention de soulever la constitutionnalité du processus disciplinaire lors de la conférence préparatoire à être tenue le 4 avril 2002;

Attendu que lors de la conférence préparatoire du 4 avril 2002, le procureur du syndic demanda au soussigné:  a) de surseoir au processus disciplinaire en raison de l'inconstitutionnalité du processus disciplinaire prévu aux articles 14.01 et 14.02 LFI; et b) subsidiairement, de reporter les dates d'audition des 6, 7 et 8 mai 2002 au mois d'octobre 2002 afin de lui permettre de s'adresser à un tribunal pour faire déclarer le processus disciplinaire inconstitutionnel et de préparer une contestation écrite du rapport d'enquête;

Attendu que lors de la conférence préparatoire du 4 avril 2002 le procureur du syndic exposa au soussigné les motifs au soutien de ses demandes;

Attendu qu'à l'égard de la demande de sursis, le procureur du syndic plaida l'absence d'urgence de procéder à l'audition disciplinaire et l'absence de péril à la protection du public; le procureur du syndic expliqua de plus qu'il serait raisonnable de permettre au syndic de soulever la constitutionnalité du processus disciplinaire tel que l'a fait son associé, Éric Métivier, les 6 et 7 mars 2002 devant l'honorable Juge Yvan Godin de la Cour supérieure du district de Québec dans le dossier portant le numéro 200–05–015671–014;

Attendu que le procureur du syndic exposa, subsidiairement, que sa demande de remise était nécessaire afin, d'une part, de pouvoir produire une contestation écrite en vue de l'audition disciplinaire et, d'autre part, de permettre au syndic de présenter sa requête soulevant la contestation constitutionnelle susdite, ainsi que sa requête pour sursis accessoire;

Attendu que lors de la conférence préparatoire du 4 avril 2002, le procureur du syndic demanda la permission de produire une contestation écrite du rapport d'enquête, advenant le rejet de sa demande de sursis;

Attendu qu'après avoir entendu les représentations du procureur du syndic, le procureur de l'analyste principale expliqua qu'il s'objectait aux demandes de sursis et de remise formulées par le procureur du syndic principalement au motif que le délégué du surintendant n'avait pas le pouvoir en vertu de la LFI de surseoir au processus disciplinaire et que la demande de remise quant à elle était dilatoire puisque le syndic avait en mains depuis de nombreux mois le rapport de l'analyste principale aux fins de préparer une contestation écrite, si bon lui semblait;

Attendu qu'après avoir entendu les représentations de part et d'autre le 4 avril 2002, le soussigné a pris en délibéré les demandes formulées par le procureur du syndic;

Attendu qu'après délibération et considération des représentations entendues le 4 avril 2002, le soussigné en est venu à la conclusion, le 5 avril 2002, qu'il y avait lieu de rejeter les demandes de sursis et de remise du syndic, mais d'accorder au syndic la permission de produire une contestation écrite du rapport d'enquête et ce, au plus tard le 30 avril 2002;

Attendu que le soussigné a communiqué ces décisions aux procureurs des parties le 5 avril 2002, avec motifs écrits à suivre;

Attendu que la demande de sursis du syndic doit être rejetée pour les motifs suivants :

  1. aucun jugement n'a encore été rendu qui déclare inopérantes les dispositions que le syndic souhaite attaquer, de sorte qu'à la lumière des arrêts de la Cour Suprême du Canada dans Manitoba (Procureur Général) c. Metropolitain Stores Ltd. [1987] 1 R.C.S. 110 et RJR-MacDonald Inc. c. Le procureur général du Canada [1994] 1 R.C.S. 311, il me paraît clair que le principe de la constitutionnalité des lois doit être adopté et respecté dans la présente instance;
  2. de plus, le soussigné ne trouve aucun fondement statutaire dans la LFI qui pourrait lui permettre, en tant que délégué du surintendant, d'ordonner un sursis du processus disciplinaire pour la raison que les dispositions législatives qui autorisent le soussigné à mener le processus disciplinaire pourraient être inopérantes au plan constitutionnel;
  3. enfin, étant donné que la demande de sursis soulève l'application des critères énoncés par la Cour Suprême du Canada dans l'affaire Manitoba (Procureur Général), précitée, je doute avoir le pouvoir de trancher de telles questions mixtes de faits et de droit comme délégué du surintendant :  voir Pfeiffer v. Canada (Superintendent of Bankruptcy) [1996] 3 F.C. 584 (Tremblay-Lamer, j.c.f.);

Attendu que la demande de sursis du syndic doit aussi être rejetée et ce, pour les motifs suivants. Bien que le paragraphe 14.02(1) LFI confère à un syndic la possibilité de se faire entendre, le paragraphe 14.02(2) LFI précise que le délégué du surintendant doit régler les questions qui font l'objet du rapport disciplinaire « avec célérité et sans formalisme, eu égard aux circonstances et à l'équité ». Ceci étant, le soussigné est d'avis que les circonstances et l'équité dans le cas présent ne justifient pas que l'audition soit remise au mois d'octobre 2002, tel que demandé par le syndic. En effet, accorder au syndic un délai de plusieurs mois afin de préparer et déposer une contestation écrite, lequel droit n'est pas prévu par les règles de justice naturelle, conférerait au processus disciplinaire un formalisme que le législateur a voulu éviter et serait de nature à empêcher de régler avec célérité les questions disciplinaires dont il s'agit en l'espèce. De plus, le syndic ayant eu en sa possession depuis de nombreux mois le rapport de l'analyste principale avait le loisir de préparer une contestation écrite, si bon lui semblait. Par conséquent, je suis d'avis que de permettre au syndic de produire cette contestation écrite, mais au plus tard le 30 avril 2002, ne viole pas le droit du syndic d'être entendu;

Pour ces motifs, le soussigné rejette les demandes de sursis et de remise du syndic, mais lui permet de produire une contestation écrite au plus tard le 30 avril 2002.

Daté le 29 avril 2002

l'original signé par


François Rioux
Délégué du surintendant des faillites



Le présent document a été reproduit dans sa version originale, telle que fournie par le délégué du surintendant des faillites.