Ententes entre syndics et tierces parties pour l’acheminement de dossier

Contexte

Plusieurs préoccupations ont été soulevées et portées à l'attention du Bureau du surintendant des faillites (BSF) relativement à des ententes d'acheminement (selon lesquelles des dossiers d'insolvabilité sont systématiquement référés au syndic) conclues entre des syndics et divers individus ou entreprises. Bien souvent, il s'agit d'organisations offrant des conseils en matière de crédit, de conseillers financiers ou même parfois d'un autre syndic qui n'est pas autorisé à déposer de nouveaux dossiers en raison de mesures conservatoires émises à son égard en vertu de l'article 14.03 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (LFI). Pour les fins du présent exposé de position, nous désignerons toutes ces personnes sous le nom de « tierce partie ». Plusieurs syndics, tout comme l'Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité et de la réorganisation (ACPIR), s'inquiètent de l'éthique de telles ententes, de leur injustice et de leur non-conformité à la législation. Par conséquent, le présent exposé de position devenait nécessaire. En règle générale, ces ententes prévoient la prestation de certains services aux débiteurs par la tierce partie qui, par la suite, réfère le débiteur au syndic pour l'administration des procédures d'insolvabilité en vertu de la LFI.

La tierce partie accomplit un certain nombre de tâches reliées au dépôt de procédures d'insolvabilité par le syndic. Dans la plupart des cas, ces tâches comprennent l'évaluation de la situation du débiteur, la cueillette des documents, l'organisation d'une rencontre entre le débiteur et le syndic ainsi que la mise en relation, la recherche et l'identification de débiteurs insolvables. Dès réception du dossier, le syndic, à son tour, procède à sa propre évaluation du débiteur et verse à la tierce partie des honoraires pour chaque procédure d'insolvabilité déposée et reçue par le séquestre officiel. Certaine de ces ententes prévoient que les honoraires ne sont payables que lorsque le syndic a touché un montant minimum déterminé en honoraires.

Question

Les ententes décrites ci-dessus entre les syndics de faillite et les tierces parties sont-elles permises sur le plan légal et éthique?

De telles ententes sont illégales et ne sont pas permises car elles sont contraires à la LFI et au code de déontologie.

Analyse

Il existe des motifs à la fois légaux et éthiques qui empêchent un syndic et une tierce partie de conclure le type d'entente décrit ci-dessus.

a) Paiement d'honoraires par le syndic pour l'acheminement du dossier d'un débiteur

L'article 49 des Règles générales sur la faillite et l'insolvabilité se lit comme suit :

49. Le syndic ne verse, ni directement ni indirectement, de commission, de rémunération ou d'autre avantage à un tiers en vue d'exercer une activité professionnelle et il n'accepte, ni directement ni indirectement, le versement par un tiers d'une commission, d'une rémunération ou de tout autre avantage pour lui avoir confié un travail lié à une activité professionnelle.

Manifestement, l'objectif de cette règle est d'interdire aux syndics de verser ou d'accepter des honoraires pour l'acheminement d'un dossier.

Généralement, ces ententes d'acheminement permettent, de manière implicite ou explicite, le « recrutement » de débiteurs par la tierce partie, c'est-à-dire la mise en relation, la recherche ou l'identification des débiteurs éventuels. À notre avis, ceci constitue précisément ce qu'interdit l'article 49, c'est-à-dire le versement d'honoraires « à un tiers en vue d'exercer une activité professionnelle ».

Par surcroît, dans certains cas, le versement est effectué seulement si des procédures d'insolvabilité sont déposées et reçues par le séquestre officiel et seulement après qu'un certain montant minimum d'honoraires ait été touché par le syndic. La nature conditionnelle d'une telle stipulation et le lien direct entre les honoraires du syndic et le paiement de la facture de la tierce partie ne font que confirmer d'autant plus que de telles ententes contreviennent à l'article 49. Le versement n'est pas effectué une fois le travail complété mais, bien au contraire, le versement n'est effectué que si une activité professionnelle est exercée subséquemment.

Par ailleurs, il n'y a pas de travail pour le syndic à moins qu'un dossier ne lui soit acheminé en contrepartie d'un versement d'honoraires payé plus tard par le syndic. Une distinction doit être faite entre cette situation et tout autre cas où; le syndic travaille déjà dans un dossier mais que, dans certaines circonstances, l'aide d'un tiers peut être requise, tel que lors des vacances ou de l'augmentation du volume de travail. Dans le cas qui nous occupe, il s'agit clairement d'un stratagème où; des dossiers sont systématiquement acheminés au syndic en échange d'un versement d'honoraires. La nature même de l'entente est le versement d'honoraires dans le but d'obtenir une référence, ce qui est illégal.

b) Publicité indirecte

Un syndic qui conclut ce type d'entente d'acheminement contrevient également à l'article 51 des Règles générales sur la faillite et l'insolvabilité,/cite>, qui se lit comme suit :

51. Le syndic ne fait, ni directement ni indirectement :

  1. de la publicité qu'il sait – ou devrait savoir – être fausse, trompeuse,substantiellement incomplète ou susceptible d'induire en erreur;
  2. de la publicité qui porte atteinte à la réputation ou à la compétence d'un autresyndic ou à l'intégrité du régime de la faillite et de l'insolvabilité.

À notre avis, toute publicité faite par la tierce partie dans les circonstances décrites plus haut pourrait être perçue comme de la publicité indirecte de la part du syndic et pourrait induire en erreur par le fait que le débiteur ne traite pas directement avec le syndic. Ce genre de publicité, par laquelle la tierce partie, dans sa propre publicité, fait essentiellement la promotion des services du syndic à sa connaissance et avec son consentement, pourrait être visé par l'article 51 des Règles générales sur la faillite et l'insolvabilité.

L'article 44 de ces mêmes Règles stipule que :

44. Dans toute activité professionnelle, le syndic évite les influences, les intérêts et les relations qui compromettent son jugement professionnel ou qui, aux yeux d'une personne avisée, donnent à croire qu'ils ont un tel effet.

Selon l'article 47 des Règles :

47. Le syndic ne se livre à aucune occupation ni aucune activité commerciale qui compromettraient son intégrité, son indépendance et sa compétence ou qui le gêneraient dans l'exercice de ses activités professionnelles.

L'article 50 des règles est également pertinent :

50. Le syndic n'accepte, ne sollicite ni n'exerce d'activité qui tendrait à discréditer la profession de syndic ou à compromettre l'intégrité du régime de la faillite et de l'insolvabilité.

Toutes ces règles peuvent potentiellement être appliquées à l'entente et seront toujours considérées par le BSF advenant une question de conformité remettant en cause une telle entente.

c) Ces ententes sont-elles conformes aux normes d'éthique?

En considérant la pratique des syndics dans son sens le plus large, le BSF juge que ces ententes ne sont pas conformes aux normes d'éthique et font en sorte qu'une profession réglementée échappe d'une certaine façon à la réglementation par l'utilisation d'entités qui n'ont pas de licence et qui ne sont pas soumises à la juridiction et à la supervision du surintendant des faillites.

Les syndics doivent également garder à l'esprit que, afin d'empêcher ce type d'entente et d'assurer un niveau de supervision adéquat de ces tierces parties, le surintendant des faillites pourrait n'avoir d'autre choix que de reconsidérer sa politique selon laquelle la désignation d'administrateurs est réservée aux syndics et aux autorités provinciales. Bien que ce puisse être efficace pour réglementer de telles ententes, cela amènera sans doute des questions particulières de contrôle et aura nécessairement une incidence sur la place des syndics sur le marché. Par ailleurs, ces ententes peuvent aussi altérer l'équilibre du marché parmi les syndics et nuire à l'image de la profession. Nous doutons enfin que ces ententes soient conformes aux devoirs de fiduciaire des syndics à l'égard des débiteurs et des créanciers.

Conclusion

Nous sommes d'avis que les ententes d'acheminement conclues par les syndics de faillite contreviennent à la LFI et à ses règles. Par conséquent, ces ententes ne sont pas autorisées et seront considérées comme illégales et contraires à l'éthique professionnelle.

Il est demandé à tous les syndics de respecter leur obligation de collaborer avec le surintendant et avec l'ACPIR à ce propos. La prospérité et l'image de la profession de syndic, ainsi que l'intégrité du système d'insolvabilité, dépendent de cette collaboration.