Monographies de recherche : La croissance économique au Canada et aux États-Unis à l'ère de l'information (Mai 2004)

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Editor : Dale W. Jorgenson


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Matière

Avant-propos

Dans les trois études qui composent cette monographie, les auteurs se sont servis de différents concepts et de différentes méthodes pour mesurer la contribution des technologies de l'information à la croissance économique et à la productivité au Canada et aux États-Unis. Toutefois, les données sous-jacentes utilisées sont conformes aux normes internationales recommandées par l'Organisation de coopération et de développement économiques. Harchaoui, Tarkhani et Khanam ont opté pour une méthode globale fondée sur les données des comptes nationaux (demande finale, produit intérieur brut), alors que Ho, Rao et Tang ont préféré une démarche ascendante et que Gu et Wang ont opté pour une démarche économétrique. Les auteurs de ces deux dernières études se sont servis de données industrielles provenant de la base de données KLEMS (capital, main-d'œuvre, énergie, matériaux et services). Malgré les méthodes différentes, les conclusions des auteurs des trois études sont relativement semblables.

La monographie est le fruit des efforts concertés d'Industrie Canada, de Statistique Canada et de l'Université Harvard. Au sein d'Industrie Canada, le Secteur de la politique, le Secteur de l'industrie et le Secteur du spectre, des technologies de l'information et des télécommunications ont collaboré à ce projet. Les conclusions formulées dans la monographie représentent l'opinion des auteurs, pas nécessairement celle d'Industrie Canada, de Statistique Canada ou des établissements auxquels les auteurs sont associés.

Introduction

L'économie américaine a connu, depuis le milieu des années 1990, un redressement étonnant caractérisé par une croissance accélérée de la production, de la productivité du travail et de la productivité totale des facteurs. Jorgenson (2002) a montré que les technologies de l'information ont été l'un des principaux moteurs de la reprise économique aux États-Unis. Au Canada également, les résultats économiques se sont améliorés de façon spectaculaire vers la fin des années 1990. Cependant, il existe des différences notables entre les économies canadienne et américaine, surtout pour ce qui est de l'importance relative des secteurs d'activité qui produisent le matériel et les logiciels liés aux technologies de l'information (TI).

Le présent volume a pour objet de comparer et d'analyser les sources de croissance économique au Canada et aux États-Unis au cours des deux dernières décennies. Il s'agit de la poursuite du programme de recherche dont les résultats ont été publiés pour la première fois dans la monographie d'Industrie Canada intitulée La productivité au niveau de l'industrie et la compétitivité internationale au Canada et aux États-Unis, publiée sous la direction de Jorgenson et Lee (2001). Le présent volume contient de nouvelles données importantes sur la productivité au Canada, qui ont été présentées dans la monographie de Statistique Canada intitulée Croissance de la productivité au Canada – 2002, publiée sous la direction de Baldwin et Harchaoui (2003).

Au chapitre 2, Harchaoui, Tarkhani et Khanam donnent une comparaison détaillée des forces qui ont sous-tendu l'expansion du secteur privé des économies canadienne et américaine de 1981 à 2000. Durant la période dans son ensemble, la croissance économique des États-Unis a surpassé de presque un point de pourcentage celle du Canada. La contribution des services du capital a été la source la plus importante de croissance dans les deux pays, tandis que celle des services de la main-d'oeuvre est venue en deuxième place. La croissance de la productivité multifactorielle a été légèrement négative pendant les deux décennies au Canada, mais positive et importante aux États-Unis durant la même période.

Les États-Unis et le Canada ont tous deux connu un ralentissement économique de 1988 à 1995, puis un rebondissement important après 1995. Le ralentissement a été beaucoup plus sévère au Canada qu'aux États-Unis. Au Canada, la reprise a été soutenue par une forte accélération de la croissance de la productivité multifactorielle, une augmentation de la contribution des services du capital non lié aux TI et la croissance rapide de la contribution des services de la main-d'oeuvre imputables aux travailleurs ne possédant pas de diplôme collégial. La contribution de l'investissement dans les TI a augmenté dans les deux pays, mais a connu une croissance nettement plus rapide aux États-Unis. La contribution de l'investissement non lié aux TI a fait un bond important dans les deux pays.

Harchaoui, Tarkhani et Khanam comparent en détail les données pour le Canada et les États-Unis. Les données canadiennes sur lesquelles porte leur étude proviennent de la base de données KLEMS (capital, main-d'oeuvre, énergie, matériaux et services) de Statistique Canada, qui est décrite de façon détaillée dans la monographie publiée par Baldwin et Harchaoui (2003). Les données américaines sont tirées de Jorgenson, Ho et Stiroh (à paraître). Les similarités importantes entre les sources des données et les méthodologies utilisées pour les deux pays permettent de retracer les écarts susmentionnés jusqu'aux différences de structure et de comportement entre les deux économies.

Au chapitre 3, Gu et Wang analysent les sources de la croissance économique pour 122 industries canadiennes, en se servant de la version la plus détaillée de la base de données KLEMS de Statistique Canada. Ils répartissent ces industries en un groupe de 33 industries à forte concentration de TI et 89 industries à faible concentration de TI. La forte accélération de la croissance de la productivité multifactorielle observée après 1995 est la source la plus importante de la reprise de la croissance économique au Canada; les auteurs montrent que ce phénomène touche toutes les industries canadiennes. L'intensification du capital due à l'investissement dans les TI joue un rôle relativement peu important dans le redressement économique canadien, contrairement à ce qu'on observe aux États-Unis.

L'accélération la plus marquée de la croissance de la productivité multifactorielle au Canada après 1995 a été observée pour les industries à forte concentration de TI. Gu et Wang attribuent cette situation aux innovations touchant l'organisation qui découlent des TI et aux effets des réseaux. Selon eux, avant 1995, les industries à forte concentration de TI ont contribué assez peu à la croissance de la productivité multifactorielle. Ils constatent aussi que les industries employant une plus grande part de diplômés universitaires ont enregistré des gains de productivité plus importants que les autres après 1995, ce qui pourrait tenir à une complémentarité entre ces travailleurs et les investissements dans le matériel et les logiciels liés aux TI.

La base de données canadiennes KLEMS employée par Gu et Wang intègre les résultats des études récentes sur l'effet des changements de composition de la population active du Canada selon l'âge, le sexe et le niveau de scolarité réalisées par Gu, Kaci, Maynard et Sillamaa (2003). Elle inclut aussi les nouvelles estimations des intrants de capital calculées par Harchaoui et Tarkhani (2003) pour les industries canadiennes. Ces estimations reflètent les différences de comportement des prix des biens d'investissement, par exemple entre ceux liés et non liés aux TI. Les estimations tiennent également compte des différences entre les durées de vie utile, les taux d'amortissement et les traitements fiscaux appliqués aux diverses classes d'actifs.

Au chapitre 4, Ho, Rao et Tang comparent les sources de croissance de la production pour 34 industries au Canada et aux États-Unis. Ils montrent que les industries productrices de TI ont été à l'origine d'une grande partie de l'accélération de la croissance de la productivité multifactorielle aux États-Unis après 1995. La proportion de travailleurs ayant une formation universitaire dans la population active employée est nettement plus faible au Canada qu'aux États-Unis. L'augmentation de la contribution de ces travailleurs à la croissance de l'intrant travail est une autre source importante de la reprise économique aux États-Unis à la fin des années 1990.

Afin d'isoler les différences de comportement des industries au Canada et aux États-Unis, Ho, Rao et Tang répartissent les 34 industries en trois groupes : les industries productrices de TI, les industries utilisatrices de TI et les industries non utilisatrices de TI. Ils classent 3 industries dans le groupe des industries productrices de TI - les ordinateurs, le matériel électronique et de communication, et les services de communication - 9 dans le groupe des industries utilisatrices de TI, et les 22 autres dans le groupe des industries non utilisatrices de TI.

Les industries productrices de TI ont connu un taux de croissance phénoménal, tant au Canada qu'aux États-Unis, de 1981 à 2000, surpassant de loin la moyenne pour les autres industries. Elles ont contribué considérablement plus à la croissance aux États-Unis qu'au Canada, parce que leur importance relative est plus grande dans l'économie américaine. Après 1995, les trois groupes d'industries ont contribué à l'accélération de la croissance économique au Canada et aux États-Unis. Toutefois, au Canada, la majeure partie de l'accélération est imputable aux industries à faible concentration de TI, tandis qu'aux États-Unis, elle a eu lieu principalement dans celles à forte concentration de TI.

Les résultats de cette étude sont d'une grande importance pour l'évaluation des perspectives de croissance au Canada et aux États-Unis. Jorgenson, Ho et Stiroh (2003) ont montré que le rythme accéléré de croissance économique observé aux États-Unis à la fin des années 1990 n'était pas soutenable. Il impliquait l'augmentation du nombre d'heures travaillées à un taux deux fois plus élevé que celui de la croissance de la population en âge de travailler. Le taux de chômage a chuté et le taux de participation à la population active a augmenté. Néanmoins, les perspectives de croissance à un taux soutenable se sont améliorées.

Jorgenson, Ho et Stiroh (2003) ont entrepris une analyse comparable, mais moins détaillée, de la croissance économique future au Canada. Selon leurs projections, la croissance de la population active sera plus rapide au Canada qu'aux États-Unis. La qualité du travail, définie comme étant la quantité de main-d'oeuvre utilisée par heure travaillée, devrait aussi, selon leurs prévisions, croître plus rapidement au Canada qu'aux États-Unis, à mesure que les niveaux de scolarité atteints au Canada s'approchent de ceux observés aux États-Unis. Toutefois, on s'attend à ce que la croissance de la productivité multifactorielle soit plus lente au Canada qu'aux États-Unis, principalement à cause de l'importance relative plus grande des industries productrices de TI aux États-Unis.

Les taux de croissance observés dans les deux pays convergent progressivement, mais la croissance prévue pour le Canada reste inférieure d'environ un demi point de pourcentage à celle des États-Unis. Pour les deux pays, les projections concernant la croissance sont entachées d'incertitudes importantes. En ce qui concerne les États-Unis, ces incertitudes tiennent au rôle de l'investissement dans les TI et à la croissance future de la productivité multifactorielle dans les industries productrices de TI. Pour ce qui est du Canada, les incertitudes ont trait au taux de croissance de la productivité multifactorielle en dehors de ces industries et au taux auquel le matériel et les logiciels liés aux TI peuvent être remplacés par d'autres catégories de biens d'équipement.